Souvenez-vous : l’été dernier, le Conseil d’Etat annulait les dispositions de deux décrets de 2007 [1], relatives à l’information et la participation du public au processus décisionnel dans le domaine des OGM. Motif : depuis l’approbation de la Charte de l’environnement, l’information et la participation du citoyen relative à l’environnement relèvent désormais du domaine de la loi (donc du Parlement). Le gouvernement n’était donc pas compétent pour définir ces règles, d’où l’annulation.

Mais le Conseil d’Etat avait repoussé l’annulation de ces dispositions au 30 juin 2010, maintenant ainsi leur validité jusqu’à cette date. Au-delà, elles ne seront donc plus valables et ce, jusqu’à l’adoption d’une loi qui devrait les réintroduire dans le corpus législatif. Les autres dispositions des décrets resteront valides au-delà du 30 juin. Ce report avait pour but de ne pas positionner la France en situation de carence vis-à-vis de la réglementation communautaire : la directive sur les OGM impose en effet aux Etats membres d’adopter des règles sur la consultation et l’information du public. A moins de deux mois de l’échéance fixée par le Conseil d’Etat, aucune loi n’est venue remplacer ces décrets. Oubli volontaire du gouvernement ? Pas du tout.

Délais repoussés à fin 2010

A l’occasion du passage de la loi Grenelle II à l’Assemblée nationale, plusieurs députés socialistes ont tenté de faire passer un amendement définissant le contenu de la fiche d’information obligatoire au public avant toute dissémination, pour satisfaire, dans les délais impartis, à la décision du Conseil d’Etat. Cet amendement a finalement été repoussé, au motif que « des dispositions seront adoptées dans une proposition de loi plus large sur la question de la gouvernance du développement durable », préparée par le député UMP de la Meuse, Bertrand Pancher. Selon Chantal Jouanno, cette loi sera adoptée avant fin 2010 [2].

A l’heure actuelle, peu d’informations sont disponibles sur cette proposition de loi. Le secrétariat de Bertrand Pancher a indiqué à Inf’OGM que la proposition en est encore à la définition de son champ d’application, et qu’aucune ébauche n’a encore été rédigée. Le travail est concerté avec les ministères, et le sera aussi, nous a-t-il expliqué, avec les acteurs de la société civile.

Vide juridique : c’est grave docteur ?

Au 30 juin 2010, la décision du Conseil d’Etat prendra effet. Nous serons alors dans une situation de vide juridique, au moins jusqu’à fin 2010. Quelles conséquences ?

Pour les expérimentations en plein champ, étant donné qu’aucune nouvelle demande d’essai n’est en attente (la seule qui l’était, pour l’essai sur la vigne GM, est sur le point d’être autorisée selon les décrets de 2007), l’annulation de la plupart des dispositions n’aura que de faibles conséquences sur l’information du public. Plus grave est l’annulation de l’article 13 qui obligeait l’Etat à réaliser de nouvelles études si des éléments nouveaux apparaissent pendant le déroulement de l’essai et d’en informer le citoyen [3].

Pour les autorisations commerciales de culture de PGM, là aussi les conséquences devraient être minimes. En effet, la France n’est plus destinataire de dossiers de demande d’autorisations , car les entreprises préfèrent se tourner vers des États qu’elles savent favorables aux PGM comme les Pays-Bas ou l’Espagne, et aucune demande d’autorisation n’est donc en cours d’instruction en France.
Pas de conséquences non plus sur les cultures commerciales en cours puisqu’à l’heure actuelle, la France n’accueille pas de cultures commerciales de PGM : pas de maïs MON810 à cause du moratoire et pas de projet de BASF de commercialisation de pommes de terre transgéniques (à noter qu’officiellement, un agriculteur pourrait cultiver cette pomme de terre, mais il devrait alors déclarer ses cultures GM auprès de l’administration, obligée à son tour d’en faire la publicité [4]).
Dans ces conditions, on peut raisonnablement penser que la Commission européenne tolèrera pendant quelques mois cette situation de carence vis-à-vis de la directive OGM [5].
Belle opportunité pour les organisations de la société civile de s’associer à la préparation de cette loi sur la gouvernance... Inf’OGM cherchera à les mobiliser, car les veilles citoyennes d’information qui travaillent sur différents sujets du développement durable ont bien des propositions quant à la transparence des informations. Reste à souhaiter que cela intervienne dans un délai raisonnable.

Source : Anne Furet, Inf’OGM, mai 2010





[1Furet, A., « Conseil d’Etat : la loi sur les OGM sera-t-elle revotée ? », Inf’OGM, août 2009, http://www.infogm.org/spip.php?article4124

[2Assemblée nationale, XIIIe législature, Session ordinaire de 2009-2010, Compte rendu-intégral, Troisième séance du vendredi 7 mai 2010, http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2009-2010/20100185.asp#P650_72357

[3Le Conseil d’Etat a annulé tous les articles des décrets qui mentionnaient de près ou de loin l’information et la participation du public. Or, l’article 13 obligeait l’Etat à communiquer sur les nouvelles études qu’il serait obligé de réaliser. Ainsi, à partir du 30 juin, l’Etat ne sera plus obligé de conduire ces nouvelles études. Il serait intéressant de savoir ce que prévoit l’Etat par rapport à cette disposition qui va bien au-delà de la simple information du public...

[4Cette disposition a été reprise dans la loi sur les OGM de 2008 http://www.infogm.org/spip.php?rubrique737. En savoir plus sur le registre : FRANCE - Publication du registre des cultures GM et réactions http://www.infogm.org/spip.php?article3351