La Cour Suprême a cassé une décision d’une Cour fédérale qui donnait raison à des agriculteurs bio sur l’interdiction de la culture de la luzerne transgénique. Interprétée comme une victoire de Monsanto, ce jugement est nuancé par Christophe Noisette, rédacteur en chef d’Inf’OGM - veille citoyenne sur l’actualité des OGM, qui a répondu aux questions du JDD.fr.

Aux Etats-Unis, l’autorisation de la luzerne transgénique demeure condtionnée à l’évaluation environnementale du ministère de l’Agriculture. (Reuters)

Quel est l’impact de cette décision, rendue par la Cour suprême ?

La décision est beaucoup plus compliquée que ce qui est sorti dans la presse. Dans les 48 pages du jugement, la Cour Suprême estime que la Cour du district de San Francisco est allée trop loin dans ses prérogatives. Mais rien n’a été décidé sur l’impact environnemental de la culture de la luzerne transgénique. Le ministère de l’Agriculture doit toujours compléter ses enquêtes sur l’environnement. Il n’y aura pas de luzerne transgénique, cette année, aux États-Unis. L’autorisation de la Luzerne reste conditionnée à l’évaluation environnementale du ministère de l’Agriculture.

Qu’est ce que cela implique ?

C’est la première fois qu’une décision de justice sur les OGM passe au niveau de la Cour Suprême. Les tribunaux ont décidé d’attaquer les trois jugements de 2007, qui estimaient que l’USDA- Département de l’administration fédérale américaine, chargé de l’agriculture et l’alimentation-n’avait pas le droit d’autoriser la luzerne, parce qu’elle n’a pas fini ses évaluations environnementales sur la pollinisation et la contamination des filières biologiques et conventionnelles. Cela risque de perturber le débat sur les OGM, si les cours fédérales ne peuvent plus juger les décisions de l’USDA. Il y a eu un emballement sur un malentendu ou sur un communiqué de presse de Monsanto, qui a crié victoire tout de suite. De son côté, Greenpeace Canada a déclaré qu’elle acceptait avec satisfaction la décision de la Cour Suprême, parce que selon eux, la Cour suprême ne remettait rien en cause.

Quelle est la réglementation en la matière aux États-Unis ?

Les États-Unis ont le système de régulation le plus simple qui existe par rapport aux OGM. Il s’appuie sur la notion d’équivalence en substance. Si une plante transgénique est chimiquement équivalente à une plante non transgénique, il n’y pas besoin de faire de tests en toxicologie ou en épidémiologie. Les cultures du soja, du colza, du coton, du maïs, et plus modestement de la papaye, sont autorisées. 70 % du soja américain est transgénique. Le maïs et le colza servent pour l’alimentation du bétail. Le colza est utilisé pour les huiles et les produits manufacturés. Les Américains ne consomment pas d’OGM directement. Soit ce sont des produits hautement manufacturés, soit ils servent à l’alimentation du bétail. Ainsi, on les retrouve donc dans la viande, le lait et les œufs.

Cette décision de la Cour suprême vous inquiète-t-elle ?

Oui, la luzerne serait un OGM de plus de la chaine alimentaire. Nous devons réfléchir à l’agriculture que nous voulons. Le débat sur les OGM est parfois un peu énervant, au sens où il est binaire. Il faudrait ouvrir un débat plus large sur le type d’agriculture que nous souhaitons et arrêter de diviser les problèmes en tranche de saucisson. Pour nourrir le monde, les OGM ne sont pas nécessaires. Les questions de faim sont, bien plus souvent, des questions politiques que techniques.

Source : LeJDD.fr, 24 juin 2010