Le 6 mars dernier, le président Calderon a autorisé par décret les cultures expérimentales en champ de maïs transgénique sur le territoire mexicain. Cette annonce, aussi soudaine qu’inattendue, a été reçue comme un coup de massue par toutes les organisations environnementales et paysannes qui défendent le maïs natif mexicain, la plante symbole d’une culture ancestrale.

Le Mexique est considéré comme le berceau international du maïs avec une biodiversité étonnante de quelques 59 espèces reconnues, dérivées en plus de 200 variétés, toutes adaptées aux différents micro-climats traversant le pays. Le maïs, qui sert à faire les tortillas, constitue l’élément de base de l’alimentation mexicaine, mais l’ancrage culturel est encore plus profond puisque cette plante était vénérée comme « source de la vie » par les civilisations précolombiennes.

Du fait de son statut de « berceau historique du maïs », le Mexique bénéficiait d’un moratoire contre l’introduction d’espèces transgéniques pouvant potentiellement contaminer les variétés dites « criollas » (locales). Cette mesure de protection de la biodiversité ne plaisait guère aux compagnies de biotechnologie qui lorgnaient sur le marché mexicain depuis de nombreuses années. Le Mexique est en effet le 5eme producteur mondial de maïs et le 3eme consommateur. La récolte de maïs 2008, sans transgénique, a battu tous les records avec 24.8 millions de tonnes, soit une hausse de 28% rapport à 2005, avec un rendement moyen de 24 quintaux à l’hectare. [1]

La remise en cause de la loi mexicaine de « Biosécurité sur les OGM ».

La Loi deBiosécurité sur les Organismes Génétiquement Modifiés, votée en 2005 sous le gouvernement Fox, encadrait la culture des OGM dans le pays. Le Mexique autorise et encadre la culture de soja transgénique résistant aux herbicides de type Roundup Ready. En revanche, la loi stipulait précisément, à travers le Régime de Protection Spéciale du Maïs, la nécessité de respecter le principe de précaution devant la possibilité de tout risque de contamination génétique des cultures traditionnelles de maïs De plus, le texte législatif impliquait l’établissement d’un moratoire contre la libération de maïs transgénique ainsi que la mise en place d’organes institutionnels de contrôle des disséminations de gènes sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles (Semarnat) et du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (Sagarpa).

Le décret de l’exécutif supprime le Régime de Protection Spéciale du Maïs qui, au delà du moratoire, établissait des zones de protection prioritaires dans le pays afin de préserver les centres d’origines de différentes variétés de maïs. La suppression de ce régime spécial retire aussi le caractère obligatoire de l’application de mesures de prévention, de réparation et de rétention contre les possibles contaminations génétiques du maïs traditionnel. En d’autres mots si une contamination génétique advenait, les auteurs ne sauraient être tenus légalement responsables en cas d’absence de respect des règles de protection.

Aujourd’hui les organismes d’Etat assurent que « l’autorisation de cultures expérimentales de maïs transgénique permettra de limiter les cas de contamination en permettant à l’Etat de contrôler les parcelles cultivées. » [2] De son coté, Greenpeace rappelle que le Mexique a déjà connu huit cas de contamination génétique du maïs dûs à l’introduction illégale de semences sur le territoire, mais que les organismes d’Etat n’ont jamais su en trouver la source.

En 2001, I Chapela et D. Quist, deux chercheurs de Berkeley, Californie, annonçaient dans la revueNature avoir découvert une contamination génétique du maïs traditionnel, dans la zone de Oaxaca, par des gènes de type Roundup Ready et BT de Monsanto. Unecabale médiatique, menée par la compagnie, avait alors été organisée pour discréditer les deux scientifiques. Cependant la présence d’une contamination génétique du maïs dans la même zone vient d’être confirmé par une nouvelle étude publiée en février 2009 par la revue scientifique de renom « Molecular Biology », lavant ainsi les deux chercheurs des calomnies dont ils ont été la cible. [3]

La porte ouverte aux cultures transgéniques.

La rétention des gènes dans un périmètre limité et la cohabitation des plantes génétiquement modifiées avec les cultures traditionnelles posent un réel problème aux organisations environnementales et paysannes. Concernant le maïs, de nombreuses études, entre autres réalisées par Greenpeace, montrent l’impossible cohabitation des plantes conventionnelles et transgéniques du fait des pollinisation croisées entre des champs parfois distant de plusieurs dizaines de kilomètres. Pourtant les instances gouvernementales mexicaines montrent une confiance à toute épreuve dans leur capacité à contenir la dissémination des gènes modifiés dans le reste de l’écosystème. Une confiance moins partagée en Europe, où français et autrichiens, admettent leur incapacité à contrôler ce phénomène et font du risque de contamination environnementale l’un des arguments justifiant le moratoire sur le maïs MON810 de Monsanto.

La carte blanche donnée aux multinationales de la biotechnologie pour faire leurs expérimentations en champs ouvert n’a que peu à voir avec une quelconque recherche scientifique mais annoncerait plutôt l’ouverture prochaine du marché mexicain aux semences de maïs transgénique. En effet, ces essais permettent dans un premier temps de sélectionner les variétés de maïs transgénique pour les adapter à l’environnement mexicain, et dans un second temps de multiplier les semences pour débuter la commercialisation. Plusieurs demandes d’essais déjà déposées concernent les trois principaux Etats producteurs de maïs, Sinaloa, Chihuahua et Tamaulipas.

Aleira Lara, la coordinatrice de la campagne « agriculture soutenable » de Greenpeace Mexico ne décolère pas : « Il est de notoriété publique que des corporations comme Monsanto, lorsqu’elles rencontrent des barrières à la libération des OGM, commencent à contaminer les cultures traditionnelles. Cela est déjà arrivé au Paraguay ou au Brésil avec le soja transgénique et quand les gouvernements de ces pays se rendirent compte de leur incapacité à régler la situation, ils procédèrent à une légalisation de l’illégal. Est ce cela l’intention du Président Calderon ? Est ce pour cela qu’il s’est entretenu à Davos avec Hugh Grant, le PDG de Monsanto ? » [4]

L’ombre de Monsanto

Hugh Grant, le PDG de Monsanto, avait rencontré le Président Felipe Calderon, le 31 janvier 2009 lors du Forum de Davos, en promettant au dirigeant mexicain un investissement de 200 millions d’euros pour la recherche. Cette rencontre a été facilitée par Bruno Ferrari, directeur de ProMexico, un organisme public chargé de la promotion des investissements et des exportations mexicaines. Il est intéressant de savoir que M. Ferrari était le PDG de la compagnie semencière Seminis, leader sur les semences horticoles, et qui a été racheté en 2005 par Monsanto. [5] Cinq semaine après cet entretien, Calderon, par un décret présidentiel, ouvrait la porte du Mexique à la compagnie de St Louis et abandonnait le maïs « criollos » à son sort.

Dans un ultime élan pour contrer Monsanto, Aleira Lara de Greenpeace déclarait « Greenpeace exige que le gouvernement de Felipe Calderon fasse appliquer la loi et protège notre maïs, l’alimentent de base de tous les Mexicains. Il est important que la libération du maïs transgénique dans l’environnement soit interdite dans notre pays, et que l’on prenne des mesures de contention et de prévention contre l’alarmante contamination du maïs conventionnel par les cultures transgéniques. Le Mexique doit défendre la biodiversité, la sécurité et la souveraineté alimentaire de tous les Mexicains. » [6]

Source : Benjamin Sourice, chargé de campagne Combat Monsanto, le 20 mars 2009.