La justice a rendu son verdict dans le procès en diffamation intenté par Gilles-Eric Séralini professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen et lanceur d’alerte sur les OGM, à Marc Fellous, président de l’Association Française des Biotechnologies Végétales, qui promeut les OGM.

"Je me félicite de la décision de la 17ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris de condamner Marc Fellous pour diffamation envers Gilles-Eric Séralini (…) Je tiens à saluer une nouvelle fois le courage dont il a fait preuve en déposant plainte contre Marc Fellous et son association de défense des OGM. C’est une grande première dans l’histoire juridique française", a déclaré Corinne Lepage à l’annonce du verdict rendu mardi 18 janvier.

Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’Université de Caen, co-directeur du pôle pluridisciplinaire « Risques » spécialisé dans l’étude des effets des pesticides et des OGM sur la santé , et président du conseil scientifique du CRIIGEN, avait attaqué en diffamation Marc Fellous, ancien président de la Commission du Génie Biomoléculaire et président de l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV), qui promeut les OGM. L’affaire remonte au 21 janvier 2010, date à laquelle Le magazine de la santé, émission diffusée sur France 5, était consacrée au thème « Les OGM : une menace pour la santé ? », avec pour invité le professeur Séralini.

L’AFBV, estimant que la parole avait été consacrée « de manière unilatérale aux thèses de G. E. Séralini, opposé à cette technologie », avait alors adressé un courrier à France 5 et au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour protester. « Ce qui est en jeu, déclarait en novembre dernier le professeur Marc Fellous, président de l’AFBV, c’est l’équilibre nécessaire au débat scientifique, la qualité de l’expertise contradictoire au service de décisions éclairées et la bonne information du public trop souvent entretenu dans des peurs sans motif. » La partie adverse avait estimé en outre que « le vrai débat avait été occulté par des campagnes puissantes jouant sur des peurs, empêchant toute autre expression que celle d’un rejet en bloc autour du seul terme « OGM ». Aujourd’hui, ce terme a perdu tout rapport à une réalité objective pour n’être plus qu’un signe de ralliement hostile » indiquait l’AFVB. « Une question de santé publique »

Marc Fellous a, dans son courrier à France 5, employé le mot de « marchand de peur », expression jugée diffamatoire par Gilles-Eric Séralini. « C’est une accusation qui est portée contre moi, contre mes compétences de chercheur, d’enseignant, et d’auteur de différents ouvrages destinés au grand public », estime le professeur, ajoutant en substance : « c’est la première fois qu’un lanceur d’alerte attaque la partie adverse. Mais au-delà de mon cas personnel, c’est une question de santé publique. On ne peut pas continuer à dénigrer des découvertes scientifiques pour des raisons mercantiles ».

Le professeur Séralini, spécialisé dans l’effet conjugué des pesticides et des OGM, explique son action judiciaire par le « harcèlement, les mises à l’écart et la dénégation de ses travaux », exclus du CNRS puis de l’INRA, alors qu’il a été nommé plusieurs fois conseiller et expert pour les autorités publiques sur la question des OGM. Il a notamment fait partie de la Commission du Génie Biomoléculaire, statut qui lui a permis d’avoir accès aux dossiers de demande d’autorisation. « Ces dossiers contiennent des informations très confidentielles qui ne sont jamais rendues publiques, explique-t-il. Or, j’y ai découvert, par exemple, que les évaluations de la toxicité des OGM destinés à l’alimentation de millions d’européens n’avaient pas duré plus de 3 mois ! C’est une erreur non seulement scientifique, mais historique ».

Le lanceur d’alerte, qui a étudié les effets du round-up sur les animaux ainsi que trois variétés de maïs Monsanto (MON 863, MON 810, NK 603), fait état de risques pour la santé bien plus élevés que ceux admis par les experts du groupe américain…et dénonce, depuis plus de 10 ans, « l’opacité qui règne sur les évaluations de produits pour la santé publique (…) Ce sont les études privées qui nourrissent les dossiers d’autorisation de mise sur le marché, et qui ont permis à certains experts de plaider l’innocuité, sans que le reste de la communauté scientifique n’ait voix au chapitre ». Un constat qui fait écho à l’actuel scandale du Mediator, et aux conflits d’intérêts liés à la mise sur le marché de produits expertisés par les laboratoires eux-mêmes…

Source : Véronique Smée, Novethic, le 19, janvier 2011