La France n’a pas fermé la porte vendredi à l’instauration d’une flexibilité nationale vis à vis des OGM dans l’Union européenne mais elle considère que ce débat ne doit pas exonérer la Commission de revoir de fond en comble ses méthodes d’évaluation et d’expertise.

Selon une proposition que présentera début juillet le commissaire chargé de la Santé et des Consommateurs et dont Reuters a obtenu copie vendredi dernier, les Etats pourraient disposer d’une clause de sauvegarde afin d’interdire la culture des OGM sur leur sol.

La Commission espère par ce biais dégonfler l’opposition aux organismes génétiquement modifiés en Europe, dont l’autorisation se fait au niveau européen sans possibilité ensuite pour les Etats membres de les interdire sur leur territoire s’ils ne justifient pas de risques environnementaux ou socio-économiques.

Cette situation pousse les Etats qui sont opposés à une présence de ces organismes sur leur sol à bloquer leurs adoption dans le reste de l’UE.

"Les Vingt-Sept se sont mis d’accord à l’unanimité en décembre 2008 pour revoir complètement les méthodes d’évaluation et d’expertise qui aboutissent aux autorisations (...) considérant qu’en l’état actuel, le système n’est pas suffisamment rassurant, pertinent", a dit le ministre français de l’Ecologie Jean-Louis Borloo, à son arrivée à Bruxelles.

"J’attends que la Commission européenne nous dise où on en est. Que l’on puisse ensuite discuter d’une éventuelle autorisation avec subsidiarité (plus de pouvoir confié aux Etats membres) ne me choque pas. Mais il ne s’agit pas de troquer, d’échanger cette subsidiarité contre l’absolue exigence d’un réhaussement des conditions d’expertise", a-t-il ajouté. Un diplomate européen avait expliqué cette semaine que la proposition du commissaire John Dalli était "séduisante à première vue mais qu’une série de vérifications en terme de fonctionnement du marché intérieur et de compatibilité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce s’impos(aient)".

"Les conséquences environnementales, sanitaires et politiques de la coexistence entre régions OGM et non OGM doivent aussi être vérifiées", a ajouté ce diplomate.

EXPERTISE SCIENTIFIQUE

A Luxembourg, la ministre espagnole de l’Environnement et de l’Agriculture Elena Espinosa, dont le pays préside l’UE jusqu’à fin juin et est par ailleurs le plus gros cultivateur d’OGM en Europe, s’est également dit opposée à cette renationalisation.

"En Espagne, nous avons toujours défendu l’idée qu’il doit s’agir d’un programme européen. L’agriculture est une politique commune et il n’y a aucune raison qu’une production particulière ne fasse pas partie de cette politique commune", a-t-elle dit.

Elle a ensuite accueilli favorablement tout renforcement de la transparence et de l’expertise scientifique qui, a-t-elle considéré, permettraient d’accélérer les processus d’adoption.

En décembre 2008, les ministres de l’Environnement de l’UE avaient demandé à la Commission européenne de leur présenter un rapport sur une amélioration de l’expertise de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) pour la rendre plus indépendante des analyses fournies par les géants du secteur tels que Monsanto, BASF ou Syngenta.

Ils posaient également la question de la traçabilité des OGM et du sort réservé à des régions qui souhaiteraient demeurer sans OGM afin de préserver des appellations d’origine contrôlée ou des spécificités locales.

Mais la Commission n’a pas encore répondu à cette demande et a depuis essayé en vain - début 2009 - de faire lever les clauses de sauvegarde française, grecque et hongroise sur le maïs MON810 de l’américain Monsanto.

En mars 2010, elle avait surpris les Etats membres en autorisant la mise en culture de la pomme de terre Amflora de l’allemand BASF sur le sol européen.

Source : Julien Troyer édité par Wilfrid Exbrayat, Reuters.com, disponible sur l’express.fr, 11 juin 2010