Les fabricants d’OGM ont-ils trouvé un écho favorable auprès des dirigeants européens ? Un journal britannique, The Independent on Sunday, a révélé que les représentants des 27 pays de l’Union européenne préparaient « une campagne sans précédent pour généraliser les cultures et aliments génétiquement modifiés ».

Dans son édition du 26 octobre, le périodique affirme détenir des documents confidentiels émanant de réunions secrètes, organisées par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. En ressort la volonté des représentants européens d’ « accélérer l’introduction des OGM et de gérer l’opposition du public à leur encontre ». Ils auraient même demandé aux industriels et aux autorités d’être plus enthousiastes dans leur communication sur les OGM.

Des OGM dont les Européens ne veulent pas

Selon les comptes-rendus d’une des réunions secrètes, Joao Vale de Almeida, chef de cabinet de José Manuel Barroso, qui présidait ces rassemblements, aurait « invité les participants à rapporter les discussions du groupe aux chefs de leurs gouvernements ». La Commission européenne encourage les Etats à modifier leurs politiques individuelles, pour favoriser les cultures d’OGM. Cette politique « clandestine » ne correspond pas du tout aux attentes des citoyens européens. En 2001, 70% d’entre eux se déclaraient contre les aliments génétiquement modifiés, selon un sondage Eurobaromètre. La France reste le pays européen où la résistance anti-OGM est la plus virulente et la plus visible. En 2004, un sondage Sofres montre que 76% des Français sont opposés aux OGM. Mais ailleurs également, les OGM inquiètent : les Suédois souhaitent un étiquetage strict, les Allemands et les Britanniques sont quant à eux méfiants…

Même les exploitants agricoles sont dubitatifs. 70% des agriculteurs allemands refusaient d’utiliser des OGM, selon un sondage daté de 2002 pour Greenpeace. Mais l’opposition populaire n’est pas un problème pour la Commission européenne : toujours selon ces documents, Joao Vale de Almeida souhaiterait « un dialogue objectif et basé sur les faits concernant les standards élevés de la politique européenne sur les OGM ». En toute impartialité. Il appelle également « les industries et les partenaires économiques à participer activement à ce dialogue », en mettant donc de côté les voix trop élevées des écologistes.

Règlementation européenne contre souveraineté nationale

Si la Commission cherche à pousser les Etats membres dans la voix du génétiquement modifié, c’est qu’elle n’a pas la main sur leurs décisions politiques. Pour qu’un OGM puisse être cultivé ou utilisé dans un pays membre, il doit avoir été autorisé par l’Union européenne. Mais qui peut le plus, peut le moins : un nombre croissant d’Etats décide d’interdire les cultures d’OGM sur ses terres. La directive européenne relative à la dissémination volontaire des OGM, datée de 2001, impose aux pays membres de fixer une règlementation individuelle sur la culture des OGM. Mais elle ne peut empêcher un Etat d’interdire les OGM sur son territoire. C’est le cas en Italie et en Pologne.

Comme la France, l’Autriche, la Hongrie et la Grèce ont fait jouer la clause de sauvegarde (disposition réglementaire prévue par l’UE qui permet aux Etats de retirer un OGM en cas de doute scientifique) sur le maïs MON810 de Monsanto. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne et la Belgique, la question des OGM ne s’est pas encore posée : il n’y a aucune culture mais aucune interdiction non plus. L’Espagne, le Portugal et l’Allemagne, pays producteurs, pourraient suivre l’exemple de la Suisse. Sous la pression populaire, le pays a voté en 2005 un moratoire de 5 ans sur les OGM, qui pourrait être prolongé de 3 ans à la demande du Conseil fédéral suisse.

La France peut-elle convaincre l’Europe ?

Pendant la présidence française de l’UE, Paris avait, parmi ses défis, celui de mettre fin à cette cacophonie, en proposant un consensus sur l’autorisation ou non des OGM. Sous l’impulsion du Grenelle de l’environnement, le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo a réussi à réunir ses homologues européens, les 20 et 21 octobre au Luxembourg. Le Conseil a affirmé souhaiter une harmonisation des méthodes d’évaluation des risques pour l’environnement. Actuellement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) délègue cette évaluation des risques à l’Etat, ce qui entraine une disparité des pratiques. Certains des 27 réclament la mise en place de règles strictes applicables à tous les pays membres.

Des modifications importantes devraient être mises en place à l’EFSA, considérée par certains comme pro-OGM. L’Autorité vient notamment de lancer une campagne de recrutement des nouveaux membres de son Comité scientifique, qui doit être renouvelé en 2009. Elle devrait également se maintenir à jour des dernières études scientifiques sur les OGM. En attendant, les ministres réunis au Luxembourg n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la mise en place de zones sans OGM, notamment pour les régions protégées ou sensibles.

Source : Un article deNovethic par Rouba Naaman ,le 30/10/2008