Face à la résistance grandissante des mauvaises herbes au Roundup, Monsanto s’allie à BASF pour développer des plantes génétiquement modifiées capables de résister à plusieurs herbicides. Une fausse solution renforçant l’addiction aux pesticides sans se soucier des risques accrus pour la santé.

Le 14 mars 2011, Monsanto et BASF, dans un communiqué de presse commun, célébraient leur nouvelle licence commune pour le développement de plantes génétiquement modifiées (PGM) résistantes à l’herbicide Dicamba (Clarity ®), un best-seller du fabricant allemand. Ce nouveau trait génétique de résistance au Dicamba devrait être développé en association avec la technologie Roundup Ready (RR) de Monsanto, et sera adapté pour le soja, le maïs, le coton et le colza. Par ailleurs, les deux fabricants travaillent sur un nouvel herbicide à base de Dicamba que les deux entreprises commercialiseront toutes deux grâce à un brevet partagé. Une mise sur le marché nord américain est attendue d’ici « au milieu de la décennie, selon les délais d’autorisation. »

Le Roundup a été la vache à lait de Monsanto ces quinze dernières années grâce au développement des PGM dites Roundup Ready , les rendant résistantes à l’herbicide total à base de glyphosate. Par ailleurs, les accords commerciaux conclus avec les agriculteurs sur la culture de plantes Roundup Ready (maïs, coton, soja...) les obligeaient à acheter le Roundup de Monsanto et non pas des génériques, malgré la chute du brevet en 2000, assurant ainsi de gros revenus à Monsanto. Mais les beaux jours sont derrières pour Monsanto, dont la position de leader du marché est remise en cause par la résistance croissante des mauvaises herbes au glyphosate, devenue un fléau pour les agriculteurs américains, qui délaissent la technologie Roundup Ready et les PGM associés.

Les mauvaises herbes font de la résistance

Supposées réduire la consommation de pesticide, ces PGM résistantes au glyphosate ont rapidement montré leur limite. Face au développement de la résistance de certaines mauvaises herbes, les agriculteurs ont augmenté les doses et multiplié les molécules (au profit de Monsanto). Ainsi, Henri Darmency, chercheur à l’Inra, indique dans un récent rapport [1] que « des érigerons, des amarantes et des ambroisies résistants sont apparus à partir de 2000 et sont maintenant présents dans de nombreux États américains cultivant le coton, le soja et le maïs résistant au glyphosate (Heap, 2010 [2] ). Ces plantes ont entraîné des difficultés de désherbage conduisant à une augmentation des doses et/ou du nombre de passage de glyphosate : 39 % en plus pour le maïs, 200 % pour le coton, et 98 % pour le soja (Benbrook, 2009 [3]). Puis l’usage d’autres désherbants de synthèse, a été recommandé [par les semenciers] pour détruire spécifiquement les plantes résistantes. Ainsi, le Roundup Ready® Corn 2 system [de Monsanto] préconise des traitements en présemis contenant alachlor, acetochlor, atrazine ou diuron, plus éventuellement 2,4-D, dicamba et diuron en association avec le glyphosate. Ces produits supplémentaires doivent être épandus à des doses de matières actives bien supérieures à celle du glyphosate, et leurs profils écotoxicologiques sont nettement moins bons. »

Loin de s’inquiéter des risques sanitaires ou environnementaux de ce cocktail de molécules toxiques, dont certaines sont prohibées en Europe, les marchands de la chimie se frottent les mains face à l’échec du Roundup, comme l’exprime sans détour Dan Dyer, chef de recherche sur le soja GM à Syngenta : « Le business des herbicides était juteux avant que le Roundup ne l’anéantisse presque totalement. Maintenant, ça va être de nouveau amusant. » En effet, les firmes de biotechnologie et d’agrochimie, les mêmes donc, ont trouvé la solution imparable - tenez vous bien messieurs dames - rendre les plantes génétiquement modifiées résistantes non pas à UN mais DEUX herbicides !

Des PGM résistantes au Dicamba

D’après le Ministère canadien de la Santé : « le dicamba est un herbicide à large spectre, dérivé chloré de l’acide benzoïque, utilisé en grandes quantités pour lutter d’une façon générale contre les mauvaises herbes qui parasitent les cultures céréalières, les pâturages et les surfaces non cultivées. Il est stable à l’oxydation et à l’hydrolyse et est persistant dans le sol, car il y demeure de 3 à 12 mois [4] . Il n’est pas fortement adsorbé sur les particules de sol et est facilement lixivié [infiltré] dans la nappe phréatique [5] , aussi, l’Environmental Protection Agency des États-Unis le considère-t-elle comme un produit chimique de priorité A en raison des risques de contamination des eaux souterraines [6] »

Le Dicamba est une molécule utilisée comme herbicide depuis des décennies, notamment dans les cultures de maïs ou de sorgho, mais aussi pour ses propriétés anti-mousse par les jardiniers. Les données sont nombreuses sur la toxicologie et les risques sanitaires (reprotoxique, possiblement tératogène...) de cette molécule, dont l’un des principaux, tel que souligné par Santé Canada, est sa faible propension à rester fixée dans les sols et donc à s’écouler dans les rivières ou les sources d’eau potables. Par ailleurs, au moment de l’épandage la molécule est très volatile. Dans un article paru dans le magazine scientifique Nature le professeur Robert Hartzler, spécialiste des mauvaises herbes à l’Université de l’Iowa, s’inquiète de : « la volatilité du dicamba entrainant une mortalité de toutes les plantes feuillues, dans les champs et les jardins, dans un rayon d’un demi kilomètre au delà de la zone cible » [7] , posant ainsi de sérieux problèmes dans les zones rurales, notamment pour « les jardiniers amateurs ou les vignerons ».

Au delà des risques sanitaires, cette nouvelle formulation chimique pour les OGM de Monsanto et BASF ne sera pas une solution efficace pour résoudre les problèmes de résistance des mauvaises herbes. Henri Darmency de l’Inra souligne dans son rapport (ibid) que « la commercialisation d’une nouvelle génération de variétés OGM résistantes à deux herbicides ne peut conduire qu’aux mêmes résultats, et elle génère des repousses multirésistantes encore plus difficiles à gérer (Messéan et al., 2007 [8]). »

Il est temps que les agriculteurs se désintoxiquent des OGM et du tout chimique pour revenir à leur cœur de métier, et cela commence par le refus de croire encore et toujours les promesses de bonimenteur de Monsanto.

Benjamin Sourice, Combat Monsanto, le 31 mars 2011





[1Henri Darmency , Inra, UMR 1210 biologie et gestion des adventices, BP 86510, 21065 Dijon, France.

[2Heap I. International survey of herbicide-resistant weeds. 2010. http://www.weedscience.org/in.asp.

[3Benbrook C. Impacts of genetically engineered crops on pesticide use : The first thirteen years. The Organic Center, 2009. http://www.organic-center.org.

[4Ashton, F. Persistence and biodegradation of herbicides. Dans : Biodegradation of pesticides . F. Matsumura et C.R. Krishna Murti (éditeurs). Plenum Press, New York, NY. p. 117 (1982)

[5National Academy of Sciences. Drinking water and health. Vol. 1. U.S. National Research Council , Washington, DC. p. 521 (1977)

[6U.S. Environmental Protection Agency. EPA draft final list of recommendations for chemicals in the National Survey for Pesticides in Groundwater (August 1985) . Chem. Regul. Rep., 9(34) : 988 (1985)

[7Heidi Ledford, “Geneticists create ‘next generation’ of GM crops : Soya beans could be treated with alternative herbicide”, Nature, 24 May 2007, http://tinyurl.com/7gatxz

[8Messéan A, Sausse C, Gasquez J, Darmency H. Occurrence of genetically modified oilseed rape seeds in the harvest of subsequent conventional oilseed rape over time. Eur J Agro 2007 ; 27 : 115-22.