Le prix Nobel alternatif de la paix, le paraguayen Martin Almada a remis une lettre ouverte au Président de son pays, Nicanor Duarte Frutos pour réclamer la fin des épandages massifs de produits toxiques sur les plantations de soja transgénique, hors de contrôle dans l’est du pays. M. Almada dénonce les « épandages de poison mortel qui affectent les populations qui vivent proches des plantations de soja, rendant fréquentes les intoxication et parfois la mort de ces personnes. ».

Almada dénonce les faiblesses institutionnelles du Paraguay qui ne permettent que trop rarement d’inquiéter ces responsables de pollution criminelle qui se complaisent dans leur arrogance de caciques. Ces grands propriétaires terriens sont regroupés sous la bannière de l’Association des Producteurs de Soja du Paraguay, réputée proche de Monsanto. Almada dans sa lettre à des mots très durs pour l’association en la désignant comme « une couche parasitaire et prédatrice qui tient à sa merci les gouverneurs incapables d’assumer leur responsabilité ».

Il s’indigne aussi contre la presse muette sur le sujet, une presse qui est largement possédée par des groupes industriels proches des grands propriétaires terriens. Récemment, le brésilien Tranquilino Favero, grand producteur de soja au Paraguay, s’est exprimé dans la plupart des medias nationaux pour critiquer ouvertement le gouvernement sur sa politique agricole, comme s’il s’agissait d’une figure de l’opposition. Alors que le Paraguay est en campagne présidentielle pour élire un nouveau dirigeant le 20 avril, aucune mention du débat sur les OGM n’est faite dans la presse. Seule la voix de Martin Almada, a permis d’attirer l’attention sur ce « raz de marée vert » qui modifie en profondeur la structure socioéconomique de son pays.

Dans sa lettre ouverte, Almada accuse les « transnationales sans visage brésiliennes et nord-américaines » d’être responsable de cette situation et de détruire l’économie locale en n’offrant aucune opportunité d’emploi ou redistribution des richesses. Il ajoute « En Argentine, les producteurs de soja payent un impôt de 44% sur les ventes de leur produit mais les producteurs paraguayens ne payent absolument rien. ».

Il poursuit en rappelant au Président que l’expansion incontrôlée de la monoculture de soja transgénique entraîne des dérives néfastes : intoxication des populations, exode rural et émigration hors du pays. Il faut ajouter à cela l’expulsion des communautés indigènes, la déforestation massive et le bouleversement des écosystèmes. De plus, l’herbicide Roundup employé sur les cultures transgéniques pour détruire les mauvaises herbes, serait à l’origine de la mise en danger de disparition de 76 espèces locales de plante. Beaucoup de ces producteurs « brasiguayos » (mi-brésilien, mi-paraguayen), n’ont aucune conscience écologique et ils continuent d’employer des produits chimiques interdits par les pays du Nord, mais que leurs entreprises de produits chimiques continuent d’exporter sans scrupules vers le Sud.

Dans sa missive au Président, Almada a également sollicité la réouverture de l’investigation sur l’intoxication de la population de Rincon I, à 150km de la capitale, due au comportement irresponsable de la firme américaine Delta & Pine (depuis rachetée par Monsanto). Cet acte de malveillance avait causé la mort d’un père de famille par empoisonnement et l’intoxication aux pesticides de tout un village à la fin de 1998, un crime qui est resté impuni jusqu’à ce jour.

Pour conclure Martin Almada se permet de rappeler au Président que la Constitution de son pays, comme celles de beaucoup d’autres, garantie aux citoyens « le droit d’habiter dans un environnement sain et écologiquement équilibré. » et que « tout dommage causé à l’environnement doit être réparé et les victimes doivent être indemnisées ». Au nom de droits constitutionnels, Almada réclame que les syndicalistes paysans, qui défendent leur culture et mode de vie, cessent d’être les victimes de la répression policière et des milices au service des Sojeros. Il va encore plus loin en réclamant que ces leaders paysans soient décorés par le Président pour service rendu à la nation.
Il est primordial que les Etats continuent de jouer leur rôle de défense des faibles contre les forts et sachent responsabiliser les grandes entreprises pour faire respecter les droits de l’homme et une éthique qui se doit globale à l’heure de la mondialisation.