Nous, Faucheurs Volontaires, avons procédé à l’arrachage de 70 pieds de vignes transgéniques sur une parcelle de l’Inra de Colmar le 15 août dernier.

Nous avons constaté la répercussion importante de notre acte à travers les déclarations de cadres de l’Inra, de certains membres du gouvernement et d’autres institutions dans la presse.

Nous souhaitons par cette tribune apporter une explication claire, précise et approfondie de notre geste par ailleurs pleinement réfléchi et assumé.

L’acte que nous avons posé s’inscrit dans le combat mené depuis de longues années contre le développement des manipulations génétique dans l’agriculture.

Par son caractère public, nous nous adressons à l’ensemble de la société civile et particulièrement aux décideurs politiques qui autorisent, et finalement organisent, la dissémination des OGM dans les champs et dans les assiettes.

Des choix qui vont à l’encontre de la société qui refuse très largement leur développement.

Nos élus ne font donc ni acte de représentativité ni de responsabilité.

Le dossier OGM est brûlant parce qu’il ne se réduit pas à un simple problème d’agronomie. Nous invitons l’ensemble de notre société à ne pas être dupe face à de tels essais : il s’agit bien de fausses solutions pour de faux problèmes.

Car le problème -ou la réalité- est toute autre, il est en premier lieu d’ordre démocratique et politique, puis agronomique, et non l’inverse comme on essaye de nous le faire croire.

Notre système agricole est majoritairement productiviste avec une très forte dépendance à l’égard des firmes multinationales de l’agrochimie et de la génétique.

Ce type d’organisation de l’agriculture découle de choix politiques et techniques réalisés en amont, qui appréhendent l’agronomie d’une certaine façon.

Nous pourrions faire d’autres choix, car il existe d’autres façons de faire de l’agriculture, qui s’appuient notamment sur le respect du vivant et des hommes, et qui ont depuis longtemps démontré leur capacité à nourrir l’humanité en quantité et en qualité.

C’est à ce type d’orientations que nous invitons la recherche française, car la question centrale n’est pas d’être pour ou contre l’investigation scientifique mais plutôt quelle recherche veut-on privilégier ?

Rarement nous intervenons dans son pré carré, mais cet essai était particulièrement symbolique car il est au carrefour des nombreuses questions de société que posent les OGM.

D’un point de vue scientifique, il a déjà démontré des contradictions majeures

/Sans fleurs ni raisins qui n’auraient pu être laissés qu’en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique valable sur les risques de transmission de l’OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans la lutte contre le court noué après la floraison de la vigne./

/Des générations de vignerons ont mis au point des techniques de gestion appropriée du court noué. Reste à savoir si nous ferons le choix là aussi d’un autre paradigme agricole./

/Dans le cas d’une technologie de plus non maîtrisable à terme comme les OGM, nous serions effectivement contraint de chercher continuellement des solutions à des problèmes que nous aurons nous-mêmes créer./

Si l’objectif de l’Inra est de répondre aux citoyens, alors la meilleure réponse qu’ils pourront leur apporter -parce que la réponse est déjà connue- c’est que la culture d’OGM en plein champ n’est pas possible sinon à condamner les autres types de productions agricoles, et l’agriculture biologique en particulier.

Croire que la dissémination des transgènes ne se fera pas lorsqu’un OGM passe au stade commercial, c’est au mieux nous prendre pour des imbéciles, au pire ignorer totalement les lois biologiques.

L’Espagne, devenue la poubelle transgénique de l’Europe, en est un triste exemple.

Des dizaines de cas de contamination des maïs bio et conventionnels ont montré que la coexistence entre cultures GM et non-GM est entièrement impossible.

Cette situation a déjà entraîné la réduction de 95% des cultures de maïs bio entre les années 2002 et 2008.

N’en déplaise au monde de la recherche, elle ne doit pas s’isoler au prétexte de neutralité scientifique. Ses choix sont aussi ceux de la société toute entière, d’autant plus dans le cas des OGM agricoles de plein champ. Evidemment, ce n’est pas le premier objectif de la « recherche », mais c’est le wagon suivant, et l’un ne va pas sans l’autre.

L’histoire des OGM ne démontre pas autre chose, et c’est ce qui fait leur raison d’exister.

Personne n’est plus dupe sur les finalités pratiques du développement de ce type de technologie. A moins que l’on cherche à nous les faire accepter par tous les moyens.

Mais alors qu’est ce que la démocratie : est-ce l’art de faire accepter ou de respecter et de représenter ce qui profite à l’intérêt général ?

Ne faisons pas l’économie d’un vrai débat, ni de décisions d’interdictions courageuses qui respecteraient la volonté sinon les doutes de la population mais plus encore les néfastes effets avérés des OGM. Ceux-là même qui ont depuis longtemps démontrés qu’ils n’étaient pas conçus pour le bien des hommes et des écosystèmes mais pour remplir les comptes en banque des actionnaires de l’agrochimie et de la génétique.

Quand au fait d’abandonner la maîtrise et l’expertise des OGM aux multinationales, la question est plutôt la suivante : voulons-nous suivre cet exemple qui a condamnés les paysanneries riches de savoir-faire et de diversité au profit de cultures à pesticides ?

Voulons-nous que les campagnes françaises ne soient plus que dévouées, à terme, aux seules cultures transgéniques ?

Les OGM sont un projet de société à part entière. Reste à savoir si la société civile pourra ou non participer à ce choix.

En attendant que la classe politique fasse son travail et parce que les rouages de la démocratie ne traduisent plus les aspirations des citoyens, la nécessité fait loi et la désobéissance civile s’invite pour faire entendre cette voix.

Source : Les Faucheurs volontaires, août 2010