Le gouvernement vietnamien a qualifié d’« injuste » la décision d’une cour d’appel américaine refusant aux victimes de l’« agent orange » le droit de réclamer compensation aux 37 entreprises chimiques productrices du défoliant utilisé par les États-Unis pendant la guerre du Vietnam.

Vendredi dernier, la justice américaine s’est prononcée sur deux affaires, une plainte déposée par 26 Vietnamiens pour crime de guerre contre les entreprises, dont Dow Chemical ou Monsanto, et une autre déposée par d’anciens combattants américains. Dans le premier cas, elle a confirmé la décision d’un juge new-yorkais, qui avait rejeté le recours en 2005, estimant qu’aucune violation du droit international n’avait été démontrée.

Dans le deuxième, la cour a estimé que les entreprises avaient agi au service et sous le contrôle de l’armée et qu’elles avaient fourni suffisamment d’informations sur les risques associés à leurs produits. « La guerre est finie depuis près de quarante ans, mais les conséquences de l’agent orange continuent d’avoir un impact profond sur la vie économique et sociale du Vietnam », a réagi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Hanoi, expliquant que cet arrêt « nie une réalité », celle que le défoliant utilisé par l’armée américaine a eu des « conséquences gravissimes » sur la santé d’êtres humains comme sur l’environnement du Vietnam. Ce que de nombreuses recherches effectuées par des scientifiques étrangers, y compris américains, ont clairement montré.

Défoliant contenant de la dioxine, l’agent orange a été utilisé de 1961 à 1971 par dizaines de millions de litres pour anéantir la forêt et les cultures qu’utilisaient les combattants vietnamiens contre les occupants américains. De nombreuses enquêtes épidémiologiques ont mis en avant les liens entre l’herbicide et la multiplication de cancers, de cécité, de maladies de peau ou de malformations physiques. Quatre décennies plus tard, les défoliants américains tuent encore non seulement parmi la population adulte soumise directement aux produits, civils du Sud ou anciens combattants venus du Nord, mais aussi leurs enfants, nés longtemps après la guerre. Mongolisme, retards mentaux, membres absents, cancers précoces, malformations sont le lot de ces jeunes Vietnamiens de la deuxième et maintenant de la troisième génération dont les parents ou grands-parents ont été affectés.

Washington a toujours nié sa responsabilité, arguant de l’absence de données reconnues par tous sur les effets chimiques du produit. Or, il y a deux ans, la justice sud-coréenne a condamné Dow Chemical et Monsanto à verser des dommages et intérêts à des milliers d’anciens combattants sud-coréens de la guerre du Vietnam. En 1984, sept des entreprises visées avaient conclu un accord avec une série de plaignants anciens combattants. L’accord portait au départ sur 180 millions de dollars sur dix ans, mais il avait atteint 330 millions, répartis entre 291 000 personnes, à sa fermeture en 1994.

Jonathan Moore, avocat des plaignants vietnamiens, a annoncé que lui et ses clients formeraient un pourvoi devant la Cour suprême des États-Unis. Quant à Nguyên Trong Nhân, vice-président de l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange (VAVA), il assure que la VAVA « continuera de mobiliser l’opinion publique nationale comme internationale afin de poursuivre cette lutte jusqu’à ce que justice soit faite ».

Dominique Bari pour l’Humanité.fr du 28/02/2008

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