Le départ de l’ancien ministre d’Oumar Ibrahim Touré du gouvernement intervenu le 5 décembre dernier, le coup d’Etat contre la démocratie par Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire alimentent le débat national, même dans les milieux les plus profanes. Et pourtant le Conseil des ministres, lors de sa session du 2 décembre dernier présidée par le Premier ministre, Modibo Sidibé, a pris une décision très lourde de conséquences puisqu’il s’agit de notre alimentation.

C’est lorsqu’il a adopté un projet de décret déterminant les modalités d’expérimentation des Organismes génétiquement modifiés (OGM). Cela, selon le communiqué du secrétariat général du gouvernement, vise à permettre aux instituts de recherche et aux laboratoires de notre pays de disposer du cadre réglementaire nécessaire pour le démarrage des expérimentations sur les Organismes génétiquement modifiés.

Ces expérimentations, précise le communiqué officiel, peuvent être menées en milieu confiné et en milieu réel. Les procédures et modalités de ces expérimentations sont définies en vue d’assurer la sécurité des opérations. Ainsi, au lieu d’encourager les chercheurs à mieux revaloriser les variétés locales, le gouvernement cède à la pression des lobbies semenciers comme Monsanto, Syngenta et autres.

L’adoption de ce projet de décret est le fait d’une certaine élite, plus encline à recourir à l’expertise aux solutions importées, à écouter et à suivre les multinationales qu’à défendre les intérêts fondamentaux de son peuple. Cette attitude des dirigeants de notre pays est suffisamment révélatrice de la difficulté pour eux d’agir conformément aux aspirations profondes des populations. Elle est ni plus ni moins qu’une fuite en avant à travers des solutions qui peuvent s’avérer désastreuses pour l’avenir de leurs concitoyens. Avec l’adoption d’un tel décret, la ’’recolonisation’’ a de beaux jours devant elle.

Composé de réseaux d’associations et de spécialistes de plusieurs domaines, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain a tiré la sonnette d’alarme en novembre 2008 avant l’adoption d’un projet de loi sur la biosécurité par l’Assemblée nationale. Pour Aminata Dramane Traoré et ses compagnons, qui n’ont pas été écoutés à l’époque (et c’est fort dommage !), l’adoption d’un tel texte mettrait notre pays dans un environnement favorable à l’introduction des OGM. En adoptant ce texte, les députés ont pris le risque de lier notre droit de semer à des sociétés privées occidentales.

L’un des dangers liés à l’introduction des OGM est que nos pauvres paysans vont être obligés d’acheter leurs semences avec les multinationales. Ce qui veut dire qu’ils ne seront plus propriétaires de leurs semences. Donc, il suffit que les grandes multinationales refusent de leur en livrer pour qu’ils ne sèment pas. Dans ce monde en pleine crise, le fait de contrôler et posséder nos semences constitue une force de résistance face aux pays industrialisés. Les OGM, c’est assurément un piège mais aussi une technologie qui accroît la dépendance de notre pays de l’extérieur. La perte totale du contrôle des semences par les paysans du fait de la privatisation des graines est inconcevable pour tout vrai patriote soucieux du devenir de ce pays.

Les paquets technologiques qui accompagnent les OGM exigent au minimum un niveau d’instruction. Or, 80% de nos paysans sont des analphabètes. La contamination de toutes nos variétés végétales, notamment la destruction de l’environnement et de la biodiversité nationale est l’une des menaces des OGM. Il y a des risques sur la santé humaine et animale car la plupart des OGM, ce sont des plantes qui produisent des insecticides ou digèrent des herbicides.

Les pauvres paysans de Kadiolo ou de Bewani ne s’attendent pas à ce que leurs gouvernants les conduisent à l’abattoir des grandes multinationales. Par ils veulent plutôt voir leaders porteurs de vision
et d’alternatives aux réformes néolibérales. On ne comprend pas comment le président ATT (qui ne cache pas de sa volonté de promouvoir l’agriculture comme en témoigne la Loi d’orientation agricole) a pu prendre une telle décision.

Source : Chiaka Doumbia, Le Challenger disponible sur Maliweb.net, le 9 décembre 2010