La pression monte contre les OGM aux Etats-Unis. Des agriculteurs ont porté plainte contre Monsanto pour négligences et préjudices économiques, suite à la découverte d’un blé génétiquement modifié dans l’Orégon, non autorisé à la commercialisation. Une contamination qui a entraîné la suspension d’importations de la part du Japon et de la Corée du Sud. Plusieurs Etats américains sont en passe d’adopter un étiquetage « non OGM ». L’analyse de Bill Freese, de l’ONG Center for food safety.

Novethic : Quelles sont les conséquences économiques de la contamination d’un champ de blé par un OGM jamais autorisé à la consommation humaine ?

Bill Freese : La contamination par un blé expérimental de Monsanto a eu lieu dans l’Oregon, un État qui exporte 90 % de son blé. Rappelons, qu’aujourd’hui, il n’existe aucun blé OGM commercialisé dans le monde. Les conséquences de cette découverte fin mai ont été immédiates : le Japon et la Corée du Sud ont suspendu leurs importations, des gouvernements asiatiques et européens ont réclamé des tests pour surveiller la présence d’OGM, les cours du blé ont baissé. Depuis, plusieurs plaintes ont été déposées par des agriculteurs contre Monsanto, accusé d’être responsable de la contamination. Il faut bien comprendre que le montant des préjudices peut être très élevé. Une étude publiée en 2005 estimait qu’une contamination du blé par des OGM pourrait coûter une centaine de millions de dollars à l’agriculture américaine.

Y a-t-il eu des précédents ?

Plusieurs. En 2006, le riz expérimental Liberty Link de Bayer avait été retrouvé dans des produits alimentaires exportés en Europe et en Asie. En quelques jours, la baisse du prix du riz américain avait fait perdre des dizaines de millions de dollars aux producteurs du sud des États-Unis. 11 000 agriculteurs avaient alors porté plainte contre Bayer, qui les avait dédommagés cinq ans plus tard à hauteur de 750 millions de dollars. Et les contaminations vont continuer.

Pour quelles raisons ?

Parce que le système réglementaire américain est incapable de prévenir la contamination de la chaîne alimentaire par des OGM. Une compagnie biotech peut obtenir une autorisation en 30 jours de la part du ministère de l’agriculture (USDA) pour un essai en plein champ. Aucune exigence n’est imposée aux industriels, qui proposent leur propre procédure. Par exemple, l’USDA ne fixe pas de distances minimales à respecter entre un champ expérimental et les champs cultivés... Dans ce cas précis, Monsanto a conduit des essais en plein champ dans 16 États sur un millier d’hectares, entre 1998 et 2004. Les disséminations du blé expérimental résistant au Roundup sont inévitables dans ces conditions. Si on détecte une contamination seulement aujourd’hui, soit dix ans après la fin des essais, c’est faute de contrôle.Cette contamination intervient alors qu’une partie des Américains réclame une meilleure information sur les produits GM.

Est-ce qu’une réglementation sur l’étiquetage a une chance de voir le jour ?

Le blé est un sujet très sensible, car c’est la base de notre alimentation. Ce qui n’est pas le cas des cultures OGM aux États-Unis comme le maïs et le soja, destinées majoritairement aux animaux. Cette contamination du blé renforce donc la mobilisation pour un étiquetage des produits OGM, qui a pris beaucoup d’ampleur cette année. Depuis l’échec de la Californie à légiférer sur un étiquetage obligatoire (voir l’article La Californie rejette l’étiquetage OGM ), 26 États ont engagé des actions similaires. Le Connecticut a voté une loi début juin, et le Maine et le Vermont semblent lui emboîter le pas. Certes, l’application de cette loi reste conditionnée à son adoption par un minimum de cinq autres États, mais elle ouvre la voie à une législation au niveau fédéral. Ce que pousse notre organisation soutenue par une pétition signée par 1,2 million de personnes. Face à ce phénomène, certaines grandes compagnies agro-alimentaires commencent même à se dire prêtes à accepter un étiquetage a minima au niveau fédéral.

Propos recueilis par Magali Reinert
© 2013 Novethic - Tous droits réservés