« Faucheur volontaire » d’OGM, Hervé Georges avait refusé qu’on prélève son ADN, dénonçant les dérives du fichage à tout va. Sachez-le : depuis 2003, on peut prélever votre ADN en cas de vols, de tags ou encore d’arrachage d’OGM. C’est ce qui est arrivé à Hervé Georges, maraîcher dans la Gironde.Condamné en 2009 pour un fauchage intempestif de maïs génétiquement modifié, il lui a été demandé de se soumettre à un prélèvement génétique. Un comble pour ce faucheur volontaire, qui a refusé d’obtempérer.Jeudi, le tribunal correctionnel de Bordeaux a, semble-t-il, pris acte de l’absurdité de la situation, relaxant le maraîcher.

« Il s’agit d’une décision qui fera jurisprudence », espère Me Pierre Hurmic, son avocat. « Désormais, le parquet ne devrait plus poursuivre les faucheurs volontaires qui refuseront le fichage de leurs données génétiques », nous précise-t-il.Mais cette décision ne concerne pas les 137 autres infractions pour lesquelles la conservation de vos empreintes génétiques peut être réalisée, que vous soyez coupable ou simplement suspect. Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) recense d’ailleurs près de 2% de la population française, alors qu’il était au départ conçu pour lutter contre les infractions sexuelles.Il voulait « argumenter son refus ».

Hervé Georges avait été condamné en 2009 à trois mois de prison avec sursis pour avoir saccagé en 2006 un silo contenant plus de 2 000 tonnes de maïs génétiquement modifié.Il a de nouveau été poursuivi pour son refus de fournir un prélèvement ADN. Accepter de plaider coupable lui aurait valu une amende de 300 euros, mais il avait tenu à être jugé devant le tribunal correctionnel pour «  argumenter » sa décision. Me Pierre Hurmic indique s’être appuyé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au respect de la vie privée pour défendre sa cause.Cet argument a finalement été gagnant.

En juin, une même décision de relaxe avait été prononcée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, mais « cela n’avait pas empêché le parquet de continuer à poursuivre Hervé Georges », ajoute-t-il. La loi prévoit que la peine peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement.« 1% de la population française fichée ».

Créé en 1998, le Fnaeg avait été conçu au départ pour recenser les ADN des coupables d’infractions sexuelles. Mais depuis 2002, le nombre de personnes figurant au fichier est passé de 2 100 à 1,2 million (au 31 janvier 2010), selon la Commission nationale informatique et libertés, incluant tout type de délits.«  Il s’agit d’un fichier fourre-tout », selon Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (LDH). Et à géométrie variable : la fraude fiscale ou l’abus de biens sociaux n’exige pas, par exemple, de fichage génétique.Pourtant, les Français font pâle figure à côté de la Grande-Bretagne, qui répertorie 5,9 millions d’individus… dont environ 1 million d’innocents, selon le Times.fr. Mais quid de l’efficacité d’un tel répertoire humain ?

Marie-Blanche Régnier, vice-présidente du Syndicat national de la magistrature précise les limites de telles données dans le cadre d’enquêtes :« L’ADN est un élément matériel de preuve, mais il faut que cet élément soit recoupé avec d’autres pour devenir une vraie preuve de culpabilité. »Un criminel dort en vous « Ce cas précis [du faucheur volontaire, ndlr] montre les dérives du fichage génétique » ajoute-t-elle. Conservées pendant quarante ans, ces données servent aussi à mettre en place une politique de sécurité « préventive ». Grosso modo, le raisonnement est le suivant : si vous volez des bonbons à 15 ans, c’est que vous êtes (peut-être) un criminel en puissance…La LDH avait lancé l’alerte en mai sur un autre fichier, le Stic (Système de traitement des infractions constatées) :« De nombreuses personnes ignorent que des informations les concernant figurent dans le Stic et se voient refuser l’accès à des emplois pour lesquels l’administration est amenée à consulter ce fichier. »« Il est problématique de multipler les fichiers. Quand ils sont recoupés sans contrôle, cela peut avoir des conséquences graves pour les libertés individuelles », ajoute Marie-Blanche Régnier.Pour information, le prélèvement ADN se fait via un bâtonnet sur la langue et les gencives. Au cas où, vous êtes prévenus.

Source : Gaëlle Coursel, Rue89, le 29 octobre 2010