Pour débloquer le processus d’autorisation des semences OGM, Bruxelles propose de laisser aux États la décision d’autoriser ou non la culture.

La France et la Commission européenne sont à couteaux tirés sur les autorisations de culture des plantes OGM en Europe. Un conflit qui risque de se traduire par l’abandon des propositions de Bruxelles en raison de l’opposition de la majorité des gouvernements.

« La Commission est là pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil (l’organe des É tats de l’Union européenne, ndlr), pas pour défendre d’autres orientations. » En une phrase, la secrétaire d’É tat française à l’Environnement, Chantal Jouanno, a résumé, jeudi à Luxembourg, les griefs de Paris envers Bruxelles à l’issue d’une réunion avec ses collègues européens.

Pour débloquer le processus d’autorisation des semences OGM, la Commission propose de laisser aux États la décision d’autoriser ou non la culture sur leur territoire. En échange, l’exécutif européen attend leur accord pour les homologations réclamées par les géants de l’agroalimentaire, dans les pays qui le souhaitent.

Seuls deux OGM sont actuellement cultivés dans l’UE : le maïs MON 810 du groupe américain Monsanto et la pomme de terre Amflora de l’allemand BASF. Ces cultures couvrent un peu plus de 100 000 hectares. Mais quinze autres plantes génétiquement modifiées, pour la plupart des semences de maïs, attendent une autorisation de culture.
La Commission isolée Le ministre français de l’Environnement, Jean-Louis Borloo, a dénoncé « un troc inacceptable » et pris la tête de la fronde contre Bruxelles, soupçonné de céder aux pressions de l’industrie.

Deux réunions ministérielles européennes - agricole fin septembre et environnementale jeudi - ont montré l’isolement de la Commission, soutenue par une poignée seulement de gouvernements. « Personne ne veut de cette proposition » qui casserait le marché unique européen, a commenté la ministre espagnole, Elena Espinosa. Or l’Espagne est l’un des rares pays de l’UE où est cultivé le MON 810. Berlin est aussi contre, pour cette raison.

Les États doivent aussi compter avec une opinion publique majoritairement hostile aux OGM. « Nous voulons pouvoir maintenir l’intégrité de nos cultures traditionnelles et biologiques », a expliqué le ministre irlandais, Ciaran Cuffe.

Les gouvernements veulent pouvoir autoriser des OGM en toute connaissance de cause et veulent être certains que leur décision d’interdire leur culture sera inattaquable à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

En décembre 2008, ils ont arrêté à l’unanimité un cahier des charges. Ils ont réclamé une réforme des expertises de l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (AESA) sur lesquelles la Commission se fonde. Ils ont également demandé une analyse des conséquences économiques et sociales des cultures d’OGM. 

Or la proposition de Bruxelles ne répond pas à ces demandes, affirme en choeur la majorité des ministres de l’Environnement. Paris ne veut pas discuter le moindre élément de ce texte, a averti Chantal Jouanno.

Pétition signée par plus d’un million d’Européens

Le commissaire à la Santé John Dalli, chargé du dossier, refuse en retour de modifier sa proposition. Les États n’ont pas encore voté et donc le dernier mot n’est pas dit, soutiennent ses collaborateurs. John Dalli n’entend pas non plus geler les autorisations. Une proposition pour le renouvellement de la licence du MON 810 est annoncée pour la fin de l’année.

La Commission est désormais le dos au mur. Car une pétition signée par plus d’un million de citoyens de l’UE demande la suspension des homologations d’OGM le temps de mettre en place un organisme indépendant pour l’évaluation des risques. « La Commission ne peut pas ignorer cette pétition », a averti la France.

Source : NordEclair.fr, 18 octobre 2010