« Ce que je pense de Monsanto ? Je ne sais même pas si vous pouvez l’écrire… », lance d’entrée de jeu la française Marie-Monique Robin, réalisatrice du documentaire-choc « Le Monde selon Monsanto. « Ce que je peux dire, c’est que leur comportement est irresponsable, voire criminel », se permet-elle d’ajouter. Une chose est sûre, après avoir visionné le film, la multinationale productrice numéro un de semences OGM donne froid dans le dos.

L’auteur-documentariste est de passage au Canada afin de procéder au lancement du DVD « Le Monde selon Monsanto », un film basé sur son livre du même nom. Coproduit par l’ONF, le documentaire est disponible depuis hier au Canada.

Le film, d’une durée de près de deux heures, documente l’histoire de Monsanto, l’une des multinationales les plus controversées au monde. On y montre comment certains rapports falsifiés, la collusion et le lobbying mêlé de tentatives de corruption ont contribué à faire de Monsanto l’une des plus importantes firmes agrochimiques et semencières au monde. On y explique également comment la compagnie a réussi à esquiver les études scientifiques sur les OGM, ayant pour conséquence que de nombreux produits génétiquement modifiés, et n’ayant jamais fait l’objet d’une étude sérieuse quant à leur probable dangerosité, se retrouvent partout sur nos tablettes.

Mme Robin ne restera pas longtemps au pays, puisque la planète entière semble intéressée à la rencontrer. En effet, son documentaire est lancé dans près de vingt pays différents. Son livre, lui, a été traduit en treize langues. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marie-Monique Robin ne s’attendait pas à une réponse aussi large.

« C’est la deuxième fois que je viens au Canada pour mon documentaire. Je suis également allée au Japon, en Australie, en Amérique latine, aux États-Unis…C’est la preuve que ce sujet captive tout le monde. Normal, puisque la nourriture concerne tous et chacun d’entres nous », explique d’une voix fatiguée Mme Robin, tout juste arrivée de France, après trois heures de retard.

Des conclusions inquiétantes

« Je ne m’attendais pas à découvrir des choses aussi inquiétantes…Le moins que l’on puise dire c’est que Monsanto a des méthodes de travail très questionnables, sans transparence, et use plus souvent qu’autrement de coups tordus pour arriver à ses fins », explique la documentariste.

Et il y a de quoi se questionner. Dans le documentaire, on y voit des paysans et des agriculteurs indiens et mexicains. Leur colère en dit long sur la compagnie Monsanto, qui promet pourtant la fin de la faim dans le monde et un meilleur avenir pour l’environnement. Les conséquences du monopole de la nourriture, qui semble s’imposer lentement mais sûrement à travers le monde, sont au contraire dévastatrices, laissant mourir de faim les habitants ou les obligeant à quitter la campagne pour s’installer dans des bidonvilles. Mais, selon Mme Robin, ce qui est encore plus frappant que la colère, c’est la peur qui se lit dans leurs yeux.

« J’ai eu beaucoup de difficultés à obtenir des entrevues de scientifiques qui ont été congédiés pour avoir tenu à faire des études sérieuses sur les OGM de Monsanto, ou des entrevues avec des personnes directement liées à la compagnie. Mais, bizarrement, ce sont les entrevues avec les victimes qui ont été le plus difficiles à obtenir. Ils ont peur de Monsanto, j’ai donc dû les rassurer », se rappelle Mme Robin.

Les Canadiens ne sont pas à l’abri

Si les petits agriculteurs de pays lointains peuvent laisser de glace certains téléspectateurs, la documentariste rappelle que les Canadiens sont loin d’être à l’abri de Monsanto, bien au contraire.

« Particulièrement dans votre pays, les produits OGM envahissent vos épiceries. Je ne comprends pas pourquoi les organismes censés règlementer ces produits ne font rien. Au Canada, le Roundup, un insecticide très dangereux, est utilisé sur des millions d’hectares de graines manipulées génétiquement pour être en mesure d’absorber ce produit toxique », affirme-t-elle.

Et les conséquences de notre alimentation sont lourdes. Les problèmes de santé sont de plus en plus graves, le nombre de cancers est en hausse… « C’est dans vingt ou trente ans que nous verrons les conséquences de cette négligence », conclut celle qui ne jure maintenant que par le bio. « C’est le seul conseil que je peux donner aux Canadiens : manger bio ».

Source : Monsanto, une multinationale qui donne la chair de poule
Canoë
Virginie Roy
17/09/2008
http://www2.canoe.com/infos/environnement/archives/2008/09/20080917-125922.html