L’Afrique de l’Ouest est déjà à l’ère des organismes génétiquement modifiés (OGM). Le Bénin a bien renouvelé pour cinq ans le moratoire sur les OGM, mais le Mali vient d’autoriser les essais de coton Bt et, surtout, le Burkina Faso s’y est mis, clandestinement d’abord, publiquement ensuite, une fois le pot aux roses découvert, depuis 2001.

En 2008, douze mille hectares de coton ont été mis en culture pour la production de semences pour trois cent mille à quatre cent mille hectares au Burkina.

La porosité des frontières en Afrique est telle que, dès qu’un pays s’y met, tous les pays limitrophes sont contaminés. Or, expliquent les spécialistes, une plante contaminée ne peut revenir à son état antérieur et rien ne distingue à l’œil nu une plante génétiquement modifiée d’une autre. C’est peut-être le calcul fait par le fameux semencier américain Monsanto, en choisissant en 2001 le Burkina Faso, frontalier de six autres pays. Les essais au Burkina Faso ont donc valeur de test pour les OGM dans toute la région.

Violation

En 2001, la firme américaine a commencé, avec l’Institut de l’environnement et de la recherche agricole (INERA), dans le plus grand secret, les premiers essais de coton Bt, une variété locale à laquelle a été ajouté un gène tiré d’une bactérie du sol, Bacillus thuringiensis, mortelle pour certains ravageurs du coton.

Cette introduction s’est faite en violation d’au moins deux textes. La convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992, et le protocole de Carthagène sur la biosécurité de 2000. Suivant les termes de ces traités internationaux, avant toute introduction d’OGM les pays doivent se doter d’un cadre législatif, prendre les plus grandes précautions, s’engager à informer la population des dangers et procéder à une large concertation publique.

Au Burkina Faso, c’est en 2003 seulement, incidemment, à l’occasion d’un atelier sur la biosécurité, que la Ligue des consommateurs a eu vent de ces essais. Pour toute réponse, Monsanto argua que les OGM constituaient un moyen de lutte contre la pauvreté en dynamisant l’agriculture burkinabée et que les essais étaient effectués dans des « espaces confinés ». En réalité des parcelles entourées de filets déchirés, révélèrent les associations.

Il faudra attendre 2006 pour que le pays des hommes intègres se mette en règle avec l’adoption par le Parlement, en avril, d’un texte sur le régime de sécurité en biotechnologie. La loi adoptée, malgré ses 75 articles, n’a pas fait le bonheur des associations de lutte contre les OGM parce qu’elle charge l’Agence nationale pour la biosécurité (ANB) de l’évaluation des risques, qui sont justement incontrôlables pour les OGM.

En Afrique, les contrôles sont encore plus improbables en raison de leurs coûts. Les citoyens sont donc privés de toute information, de tout élément objectif d’appréciation.

Revirement

Une fois le secret percé, le gouvernement burkinabé a fait des OGM son cheval de bataille dans la lutte pour l’amélioration des conditions paysannes, alors même que l’introduction avait valeur de test. Face à la volonté de l’Etat, l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) s’est d’abord mobilisée avant de changer de position. Le front anti-OGM lie ce revirement aux 30% des parts dans la Société des fibres textiles (SOFITEX), la principale société cotonnière burkinabée, qui lui a été offerte. Ce revirement cassa le mouvement paysan avec la création, en 2003, du Syndicat national des travailleurs de l’agropastoral (SYNTAP), qui reprend le flambeau de la lutte contre les OGM. 

Un combat bien inégal. Face au syndicat, il y a l’UNPCB et les trois sociétés cotonnières. Le privilège de fixer les prix du coton leur est dévolu par le gouvernement. Ce sont les usines qui distribuent également à crédit les insecticides, les herbicides et les semences, et collectent ensuite les récoltes. Le paysan est soumis au bon vouloir des industriels. Ceux qui seraient tentés de produire une autre variété de coton que le transgénique ne pourraient pas l’écouler.

Combat inégal

Le combat est-il ainsi perdu d’avance ? Il est en tout cas bien déséquilibré. Le front anti-OGM burkinabé a reçu le renfort de paysans du Bénin, de Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo pour former une Coalition pour la conservation du patrimoine génétique africain (COPAGEN), qui a organisé en février 2007 une caravane de sensibilisation au danger des OGM, mais ses moyens sont dérisoires face à la propagande de Monsanto qui soutient que ses semences augmentent les rendements de 45%, réduisent les coûts de 62%, soit une économie de 12 525 francs CFA par hectare (20 euros). Mais Monsanto garde secret le prix des droits de propriété intellectuelle qui devra s’ajouter au coût des semences.

Source : Par Hance Guèye, Dakar pour Les Afriques, journal de la finance africaine, le 29 juin 2009