La richesse générée localement par la déforestation ne perdure qu’une quinzaine d’années.

Un modèle élaboré par des scientifiques de l’Etat du Pará a récemment été publié dans la revue Science. L’étude menée par Adalberto Verissimo, chercheur à l’Imazon (Institut de l’Homme et de l’Environnement de l’Amazonie), et ses collègues, affirme que le modèle actuel de développement de l’Amazonie génère une forme de richesse initiale, mais fait ensuite replonger les municipalités dans la pauvreté, et ce, au terme d’une période inférieure à deux décennies.

Le modèle, appelé "boom-colapso" ("boom-and-bust" en anglais), est né de l’analyse de données de la qualité de vie sur 286 territoires municipaux de la forêt Amazonienne pendant l’année 2000. Ces données ont permis de mettre en évidence que la déforestation améliore réellement l’Indice de Développement Humain (IDH). Néanmoins, ces bénéfices ne sont constatés que sur une période de 12 à 16 ans, avant que ne s’arrête l’exploitation forestière (après 10 ans environ) et la productivité de l’élevage (après 5 ans).

Ana Rodrigues, l’auteur principal de l’article publié dans Science, explique qu’en premier lieu, les personnes pauvres et sans terre affluent de tout le Brésil vers les endroits où a lieu la coupe massive d’arbres. Ils reçoivent alors rapidement une somme d’argent qui améliore leur qualité de vie. Le commerce du bois laisse ensuite place à l’agriculture et à l’élevage. Au début, la terre est fertile et productive, puis cette phase décline. Les habitants de la région choisissent alors entre rester sur les terres, s’il le peuvent encore, ou se déplacer vers un autre front de déboisement.

Après le "boom" en question, la municipalité présente un indice de qualité de vie semblable à celui qu’elle avait avant la déforestation. Au final, les personnes qui habitent dans un territoire qui a connu un épisode de déforestation ne vivent pas dans de meilleures conditions que celles qui vivent dans un endroit préservé. Selon Verissimo, ce schéma économique est basé sur un usage prédateur des ressources naturelles et ne peut être modifié sans arbitrage du gouvernement. Il explique : "Si l’on laisse le marché décider, le "boom-colapso" va se maintenir, parce que certains y gagnent à court terme". Or, l’étude montre que la déforestation n’amène pas de compensation du point de vue socio-économique.

La politique actuelle du gouvernement en Amazonie, en particulier la récente approbation de la Mesure Provisoire de la réforme agraire, favorise le maintien du modèle décrit par Verissimo (Nota : ceci n’a pas fait l’objet de l’étude publiée dans Science). Cette mesure permettrait que 67,4 millions d’hectares que possède le Brésil en Amazonie - équivalents à la surface de l’Allemagne et de l’Italie réunies - pourraient être donnés ou vendus sans licitation, dans une limite de 1500 hectares. Il estime que cette Mesure Provisoire est un mécanisme qui stimule l’occupation des forêts publiques et leur destruction. Par ce biais, le gouvernement envoie un message clair qu’il tolère la situation.

L’Imazon avait déjà publié une étude sur ledit phénomène de "boom-colapso", en 2007. Cependant, selon Ana Rodrigues, la méthode a été affinée dans la récente étude. Elle explique que "chaque territoire municipal a été classifié en utilisant les données d’images satellitaires, basées sur l’étendue de la forêt restante et sur l’intensité de l’activité de déforestation. Le résultat est une image plus détaillée de la trajectoire de développement humain en relation à l’avancée du front (de déboisement)."

L’étude est le résultat d’un partenariat entre l’Institut Supérieur Technique du Portugal et des chercheurs de l’Imazon, du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive, en France, et des universités britanniques de Cambridge, Imperial College London et East Anglia. Les chercheurs estiment qu’"il n’y a pas de solution unique". Ils proposent une meilleure utilisation des surfaces déjà décimées, des restrictions à de nouveaux déboisements, la replantation des surfaces dégradées, en plus de l’encouragement à des activités durables.

Pour en savoir plus, contacts :

- Références de l’article publié dans Science : "Boom-and-Bust Development Patterns Across the Amazon Deforestation Frontier" - Rodrigues et al. - Science 12 June 2009 : 1435-1437 - DOI : 10.1126/science.1174002

- Extrait gratuit de l’article publié dans Science :

Source :"Riqueza vinda do desmate só dura 15 anos" - Journal Folha de São Paulo - BALAZINA Afra - Edition du 12/06/2009, page A10 -

Rédaction/traduction : Faustine Fourdinier pour MAEE