Le marché mexicain du mais.

Le Mexique importe des Etats-Unis 6 millions de tonnes de grains de maïs, dont 40% sont transgéniques. En vertu de l’ALENA, le Mexique n’a pu empêcher l’importation massive de maïs en provenance du nord, qui est deux fois moins cher que le mexicain grâce aux subventions allouées aux paysans américains. En 2007, les Etats-Unis exportaient 11% de leur maïs vers le Mexique, ce qui représentait 500 millions de dollars et 30% du maïs consommé au Mexique. On estime qu’entre 1994 et 2002, le prix du maïs mexicain a chuté de 44%.

 

La découverte de la contamination du mais traditionnel par les OGM.

 

L’histoire commence le 29 novembre 2001, lorsque la revue scientifique Nature publie une étude de D. Quist et I. Chapela, deux biologistes de l’université de Berkeley, Californie. Cette étude révèle que le maïs criollo -c’est à dire traditionnel- de l’Etat de Oaxaca est contaminé par les gènes Round-Up Ready et Bt David [1]. Conclusions partagées par le Ministre de l’Environnement mexicain qui le 18 septembre, 2001,confirme la contamination après une contre expertise réalisée par ses services et indique que le taux de contamination serait compris entre 3% et 10%. [2] Cette étude attirera les foudres de Monsanto et des géants de la biotechnologie car le rapport apporte des enseignements inédits quant à la contamination des plantes naturelles par les OGM. 

Il s’agit en effet de l’une des premières études à prouver la possibilité de transmission des gènes transgéniques à une plante traditionnelle et donc la possibilité de voir apparaître de nouvelles espèces dites « mutantes » ou « résistantes ». En outre, en cherchant à localiser les fragments d’ADN transgéniques, les scientifiques découvrent qu’ils sont implantés de manière totalement aléatoire dans le génome de la plante, ce qui contribue à la formation d’aberration génétique et donc de plantes monstrueuses. Cela signifie que, contrairement à ce qu’affirment les fabricants d’OGM, la technique de manipulation n’est pas stable, puisqu’une fois que l’OGM se croise avec une autre plante, le transgène éclate et s’insère de manière incontrôlée.

 

La réplique de Monsanto et des fabricants d’OGM.

 

La contre attaque s’organise via la site Internet pro-OGM AgBioWorld,.. Le jour même de la publication de l’article dans Nature, on peut lire sur le site un courriel posté par Mary Murphy : « on peut noter que l’auteur de l’article de Nature, I. Chapela, fait partie du directoire du Pesticide Action Network North America, un groupe d’activistes […] ce n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler un auteur impartial ». Le même jour, une certaine Andura Smetacek, poste sur le site un courriel intitulé « Ignatio Chapela : un activiste avant d’être un scientifique » où l’on peut lire que M. Chapela aurait « été manipulé par des activistes anti-technologie (comme Greenpeace, les Amis de la Terre ou la Organic Consumers Association) ». Une véritable campagne de diffamation se met alors en route qui affectera la carrière de M. Chapela car les deux courriels seront envoyés aux quelques 3400 scientifiques du réseau AgBioWorld.

Officiellement AgBioWorld est une fondation à but non lucratif, qui « affirme fournir de l’information scientifique sur l’agriculture biologiques aux décideurs à travers le monde » comme le déclare son site. Or le site est hébergé par le Groupe Bivings, situé à Washington, qui est une entreprise de communication qui compte parmi ses clients Monsanto (liste client) et qui s’est spécialisée dans la lobbying sur Internet. Dans un document à destination de ses clients intitulé « Marketing viral : comment infecter le monde. » le groupe Bivings indique « pour certaines campagnes, il n’est pas souhaitable et il est même désastreux que le public sache que votre entreprise y est directement impliquée. » Plus loin, il est recommandé aux entreprises de « présenter votre position en faisant croire qu’elle vient d’une tierce personne… ». La stratégie restera veine : en effet, lorsque que l’on remonte à l’adresse IP de Mary Murphy et Andura Smetacek, on tombe sur l’adresse gatekeeper2.monsanto.com, propriété de la compagnie Monsanto de Saint-Louis. [3]

La contre attaque aura cependant porté ses fruits puisque le 4 avril 2002, la revue Nature publie une note éditoriale inhabituelle qui constitue un « désaveu sans précèdent » [4] : ce fut la première fois que le magazine reniait un article paru dans ses colonnes. En Octobre 2002, Nature refusa un article du Professeur Exequiel Ezcuarra, président de l’Institut mexicain de l’écologie, qui confirmait les résultats de Chapela. En 2003, M. Chapela perd son poste de chercheur en biologie à l’Université de Berkeley, mais il sera réintégré après une décision de justice pour licenciement abusif. Depuis dit- il « je traîne mon boulet de lanceur d’alerte. Je n’ai pas de budget pour conduire les recherches qui m’intéressent, car désormais, aux Etats-Unis, on ne peut plus travailler en biologie si on refuse le soutient des firmes de la biotechnologie… »

[1] QUIST et Ignacio CHAPELA « Transgenic DNA into traditional maize landraces in Oaxaca, Mexico » Nature, n°414, 2001

[2] The New York Times, 2 octobre 2001

[3] Le monde selon Monsanto, MM. Robin, coédition La découverte/Arte ed., 2008,p298

[4] « Special investigation : the great mexican maize scandal », New scientist, Op.Cit.