Depuis deux semaines, l’huile de soja argentine est bannie de Chine. L’Empire du milieu aurait-il peur des OGM argentins ? Pas vraiment...
Les entreprises chinoises sont cordialement invitées à annuler leurs commandes, provisoirement : la Chine ne délivre plus de bons d’importation d’huile de soja originaire d’Argentine.

De fait, une entreprise d’Etat vient de refuser une livraison de 100 000 tonnes d’huile argentine et deux navires ont du faire cap vers l’Inde ou la Corée du Sud quand on leur a expliqué qu’ils risquaient de ne pas être accueillis les bras ouverts au port de Canton. Avec l’annulation en rafale des commandes, ce sont donc 3 millions de tonnes d’huile de cuisine qui ne devraient pas être acheminées vers la Chine sur les deux prochains mois. Mais à quoi doit-on cette crispation soudaine ?

Selon les médias, les officiels s’emmêlent dans d’improbables justifications sanitaires : inquiétude tardive sur l’origine transgénique du soja, sur la teneur élevée en pesticides de l’huile. Or ce boycott du soja argentin survient au moment même où l’Argentine lance une enquête antidumping sur les produits chinois ! Dans la ligne de mire, les vêtements, chaussures et tuyaux d’acier vendus à très bas coût en Argentine, qui pourrait introduire d’importantes taxes douanières. L’été dernier, le gouvernement argentin avait déjà obligé les Chinois a ne leur fourguer que des chaussures d’une valeur minimale de 15 dollars, pour ne pas tuer la production nationale de zapatos.

Depuis le 1er avril, le ministre du commerce chinois a lui décidé de prendre en charge toutes les importations de soja argentin vers la Chine, d’ordinaire l’apanage des autorités locales. Officiellement, il n’y a pas d’embargo mais les commandes sont devenues quasi-impossibles... Il faut carrément demander la permission au gouvernement central, un vrai casse-tête chinois.

Une délégation d’huiles de Buenos Aires est attendue demain à Pékin pour tenter de régler le différend. On peut espérer aussi que la visite de Hu Jintao en Amérique du Sud mettra tout le monde d’accord... Quoique, selon son planning officiel, Hu a prévu de passer par le Brésil, le Vénézuela de Chavez et le Chili.

Ah, comme elles semblent lointaines les pampas exotiques du chanteur Florent Pagny. Car en Argentine, le soja est devenu la première culture de l’Argentine pays, depuis que Monsanto y a introduit les semences de soja transgéniques en 1996, lorsque son interdiction a été officiellement levée.

La Chine en est le plus gros consommateur : 60% de l’huile de soja qu’elle consomme vient de l’étranger, les importations massives ayant commencé il y a une dizaine d’années à peine. Pour diminuer sa dépendance vis à vis de l’Argentine mais aussi du Brésil ou des Etats-Unis : les trois plus gros producteurs de soja au monde, la Chine cherche aussi à diversifier ses importations, en investissant massivement dans les exploitations africaines d’huiles d’arachide, encore trop chères pour le quidam chinois. La guerre des huiles qu’on vous dit !

Source : Jordan Pouille, Pékin, Mediapart.fr, le 13 avril 2010