Professeur de biologie moléculaire à Caen, chercheur sur les effets des pesticides, de différents polluants et des OGM sur la santé, Gilles-Éric Séralini sera de passage demain, à Strasbourg.

Gilles-Éric Séralini est président du conseil scientifique du Criigen (Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique) et a été expert pendant 9 ans pour le gouvernement français dans l’évaluation des risques des OGM.

Quels sont les avantages et les inconvénients des OGM ?

Il y a plusieurs types d’OGM. Il y a d’abord ceux qui sont produits en milieux confinés et qui représentent une avancée majeure de la recherche pour comprendre le rôle et la fonction des gènes. Ils ont permis la production de l’insuline pour des applications pharmaceutiques.

Et il y a ceux qui sont en milieu naturel : plus de 99 % des OGM dans l’agriculture intensive sont des plantes à pesticides, génétiquement modifiées pour pouvoir absorber un désherbant sans mourir (comme le soja au Roundup), ou pour produire leur propre insecticide. Comme de nombreux pesticides ont des effets sur la santé, il serait surprenant que les OGM ne soient pas toxiques à long terme.

Est-ce qu’ils ont une influence réelle sur notre santé ?

Pour pouvoir évaluer les effets sur la santé, il faut d’abord les mesurer chez des rats, après trois mois de consommation d’OGM. Le 11 décembre dernier, des chercheurs du Criigen, dont je fais partie, et des universités de Caen et de Rouen ont mené une étude, une contre-expertise qui a démontré la toxicité de trois maïs génétiquement modifiés mis au point par la firme américaine Monsanto, et actuellement en voie de commercialisation en Europe : les MON810, MON863 et NK603.

Publiée dans l ’Internationalj journal of biological sciences, l’étude démontre que ces variétés d’OGM auraient un impact nocif sur les reins et le foie, les principaux organes qui réagissent lors d’une intoxication alimentaire chimique chez les mammifères. Ces OGM sont pourtant approuvés pour la consommation animale et humaine dans l’Union Européenne et les États-Unis par les autorités sanitaires. Et finissent dans nos assiettes…

Quels sont précisément ces effets dont vous parlez ?

Ce sont des effets secondaires, des signes qui convergent vers des pathologies chroniques préoccupantes. Il s’agit par exemple d’augmentation du taux de sucre sanguin, d’anomalie dans les taux de globules blancs et de globules rouges, de lésions rénales… Ces effets ont été reconnus par Monsanto et les agences officielles. Mais ils les considèrent comme négligeables au motif que chez les rats, les individus mâles ne développaient pas les mêmes effets secondaires que les individus femelles.

Pourquoi les autorités sanitaires donnent pourtant des avis favorables à leur commercialisation ?

Cela vient du fait que l’on n’accepte pas, au niveau de la réglementation internationale, de tester ces effets systématiquement sur des rats pendant trois mois avant de donner des OGM aux consommateurs. On devrait appliquer au moins la même réglementation sanitaire que pour les pesticides.

Les OGM ont été lancés avec comme argument de pouvoir vaincre la faim dans le monde…

C’est de la publicité mensongère. Les quantités de produits avec OGM nourrissent les cochons et les vaches des pays riches. Pas les populations des pays pauvres. Avec la volonté de breveter les semences par les grandes firmes, on va même à l’encontre de cette idée puisque les paysans vont devoir les payer. Cela suit la politique des médicaments : les pays pauvres manquent, par exemple, de médicaments parce que ce sont des produits sous brevet.

Que pensez-vous de l’arrachage des vignes à l’Inra de Colmar ?

C’est un débordement — autour d’une question de société qui n’est peut-être pas abordée avec assez de rigueur. Voir les conséquences et les enjeux des OGM sur l’alimentation s’avère édifiant, surtout lorsque les organismes qui ont la responsabilité de garantir la sécurité alimentaire ne la prennent pas. Cela peut pousser des personnes vers ce type de dégradations…

Propos recueillis par Sailesh Gya

DÉBATTRE Gilles-Éric Séralini tiendra une conférence demain, lundi 1 er février à 20 h 30, à l’Institut Le Bel, 4 rue Blaise-Pascal à Strasbourg (Esplanade), sur le thème : « Pesticides et OGM dans notre alimentation et effets sur la santé ».

Source : lAlsace.fr, le 31 janvier 2010