Comme G-E Séralini il y a peu [1] , Andres Carrasco, professeur chercheur à l’université de Buenos Aires, doit faire face à une sévère campagne de discrédit par le monde scientifique pro-OGM [2] , après la publication dans la revue scientifique Chemical Research in Toxicology, le 9 août 2010, de son étude présentant les dangers du Roundup sur la formation des embryons de grenouilles et de poulets [3] .

Cette campagne de discrédit a pris plus d’ampleur depuis mardi dernier, 22 mars. Des scientifiques de Monsanto, Dow Chemical et Syngenta ont publié, dans la même revue (Chemical Research in Toxicology), une lettre dévalorisant les travaux du chercheur argentin. Pour ces scientifiques l’innocuité du glyphosate a été largement prouvée : « le glyphosate ne provoque pas d’effets néfastes sur le système de reproduction (effet tératogène) des animaux adultes ou de malformations congénitales chez les descendants » comme le prétend le chercheur Andres Carrasco. Ils ajoutent que « de nombreuses études ont été menées à travers le monde sur les effets tératogène du glyphosate. [Toutes] ont démontrés que le glyphosate ne posait aucun problème grave ». « Enfin, toutes les études que nous avons présentées (sic), ont été validées par de nombreuses autorités publiques de régulations ».

Selon les scientifiques de Monsanto&Co, l’équipe de Carrasco a utilisé des « modes d’exposition non pertinents et des doses anormalement élevée" de glyphosate. En d’autres termes, l’herbicide ayant été injecté directement sur les embryons pour l’étude, cela ne correspond pas à la réalité.

Ils concluent que "les résultats de cette recherche ne peuvent être utilisés seuls pour tirer les conclusions exprimées dans cette publication. Toutes les données que nous disposons, appuie la conclusion corroborée par les experts des agences de réglementation à travers le monde, que le glyphosate n’est pas toxique pour le développement des embryons ou la reproduction. "

Pour Carrasco « c’est de la désinformation »

Andres Carrasco a obtenu de publier une réponse dans le même numéro de la revue. Pour le professeur « la lettre illustre la tension croissante que l’on trouve aujourd’hui dans les dialogues entre les chercheurs qui ont un intérêt direct dans la vente des produits visés (ici les pesticides à base de glyphosate) et les chercheurs indépendants qui souhaitent tout simplement tester l’impact sanitaire de ces produits. »

Les scientifiques des firmes ont raison de dire que le glyphosate a été autorisé pour un large spectre d’utilisation par les gouvernements partout dans le monde. Mais Carrasco répond que « les études qui concluent que le glyphosate n’est pas tératogène et ne produit pas d’effets nocifs sur la reproduction sont toutes des études produites par l’industrie, d’ailleurs les auteurs de la lettre le reconnaissent. Les conclusions des études données par les industries sont le plus souvent considérés comme valables par les autorités publiques, sans qu’elles soient corroborées par des scientifiques indépendants. »

A titre d’exemple, selon le chercheur, le guide des recommandations de classification des pesticides de 2009 de l’OMS [4] se base principalement sur une étude de 1994, qui contient 180 rapports présentés et / ou fournis par Monsanto. Parmi eux, plus de 150 n’ont pas été publiés et n’ont donc pas été soumis à un examen par les pairs.

Carrasco donne aussi l’exemple de l’EFSA. Pour lui, l’évaluation des risques par l’EFSA de nouveaux OGM ou de pesticides est le plus souvent, si ce n’est tout le temps, fondée sur l’examen des données de recherches fournies par la société requérante.

Sur le fait que son équipe aurait utilisé des doses trop élevées de glyphosate et une mauvaise façon d’exposer les embryons à l’herbicide, Carrasco répond que les scientifiques ont ignoré, sur ce point, le fait que « la pénétration du glyphosate à travers la membrane cellulaire et son action ultérieure intracellulaire est fortement facilitée par les adjuvants tels que les tensioactifs, présent dans le Roundup. Ces substances permettent l’adoption de l’herbicide par la plante (absorption qui serait impossible sans ces adjuvants). » « Les auteurs de la lettre ont évidemment évité de discuter de ce fait. En outre, les compagnies qu’ils représentent ne sont pas tenues de révéler la composition ni la toxicité des adjuvants utilisés dans les formulations commerciales qui sont protégés comme des secrets commerciaux ", continue Carrasco.

Les deux lettres se référent aux études faites sur le glyphosate par le chercheur français Gilles-Eric Séralini. En 2009, Séralini et son équipe ont découvert que quatre différentes formulations de Roundup diluées en-dessous des niveaux suggérés par les firmes endommageaient gravement le placenta humain, le cordon ombilical et les cellules embryonnaires. Rappelons que Séralini a récemment gagné son procès en diffamation contre des atteintes à sa réputation au sujet de cette étude [5] .

Dans leur lettre, Monsanto&co souligne que les résultats des études effectuées par Séralini et d’autres ont été « considérées irrecevables » par « les autorités de réglementation partout dans le monde ». Pour Carrasco « Cette critique est un jugement de valeur non scientifique qui ne réfute pas la qualité du travail, mais cherche plutôt à discréditer, sans apporter la preuve du contraire ».

En l’attaquant aussi maladroitement et de façon aussi virulente, Monsanto donne finalement du crédit à l’étude du professeur Carrasco. Il faut se rappeler que d’autres études [6] et témoignages [7] prouvent les graves problèmes environnementaux, sanitaires et sociaux causés par la sojatisation de l’Argentine et l’utilisation du Roundup par fumigation.

« Ces scientifiques donnent ici un discours et des positions rassurantes pour le public plutôt que d’installer un vrai débat scientifique. C’est inutile. Pire encore, cela propage la désinformation. Malheureusement, ces stratégies ne sont pas nouvelles dans le monde moderne et rappelle les débats sur la toxicité du tabac dans les années 1970 » conclue le professeur argentin.