Dix organisations écologistes et agricoles ont envoyé au ministre de l’Agriculture une lettre ouverte, dans laquelle elles s’inquiètent du développement en France de ce qu’elles appellent les "OGM cachés". Selon un rapport de 2011, ces "variétés tolérantes aux herbicides", les VTH, représentent 10% des cultures de tournesol et de colza.

Associations écologistes, fédérations d’agriculture biologique ou syndicats d’agriculteurs, au total, dix organisations s’inquiètent dans une lettre ouverte du développement des "variétés tolérantes aux herbicides" (VTH), qu’elles considèrent comme des "OGM cachés". Les VTH ne concernent que le colza et le tournesol, des cultures qui ont des gènes plus tolérantes aux herbicides.

Certaines variétés de ces plantes sont résistantes aux herbicides grâce à des irradiations ou de la fusion cellulaire. Il s’agit de deux techniques différentes de la transgenèse habituellement utilisée pour créer des OGM. Ces techiques ne sont pas contrôlées et ont été "arbitrairement exclues du champ d’application de la réglementation sur les OGM", dénoncent les associations dans une lettre ouverte au ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll.

Des risques pour l’environnement

Elles craignent qu’en conséquence, d’autres cultures deviennent résistantes aux herbicides. Un rapport publié par l’INRA et le CNRS en 2011 met en garde contre les problèmes que peuvent engendrer ce type de culture. Le développement de résistances aux herbicides, en premier lieu, mais aussi la pollution de l’eau et la contamination génétique. L’expertise souligne également qu’il n’existe aucune étude sur l’impact des pesticides utilisés sur la mortalité des abeilles.

Lettre ouverte à Stéphane Le Foll : OGM cachés, demande d’opposition au développement des colzas et tournesols tolérants aux herbicides, le 29 juillet 2013

Monsieur le Ministre, Au moment de la floraison du tournesol et à quelques semaines des semis du colza, nos organisations veulent attirer votre attention sur le développement dans les champs français de nouvelles plantes : les variétés tolérantes aux herbicides (VTH). A l’instar de la plupart des OGM, ces plantes ont été génétiquement manipulées pour pouvoir survivre tout en étant traitées avec des herbicides. Mais ce sont des OGM cachés car elles ont été arbitrairement exclues du champ d’application de la réglementation sur les OGM.

Les seules informations disponibles sur les surfaces cultivées en France indiquent que ces VTH représentaient 10 % des cultures de tournesol en 2011 et plusieurs centaines d’hectares de colza fleuri en 2013. Pourtant, dans un rapport publié en novembre 2011, une expertise collective INRA/CNRS*, commanditée par les ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie (voir encadré page suivante), appelle à la vigilance sur l’impact de ces plantes sur l’environnement : biodiversité, résistance aux herbicides, contamination génétique, qualité de l’eau. Par ailleurs, nos organisations s’interrogent sur la pertinence de modifier le génome du colza pour lui permettre de tolérer des herbicides de la même famille que ceux utilisés dans les céréales, ce qui empêchera, notamment, de détruire ses repousses dans le blé qui lui succédera dans la rotation. Nous ajoutons à cela les dangers sanitaires inhérents à l’utilisation d’herbicides, non seulement pour les utilisateurs mais aussi pour ceux qui consomment des aliments contenant des pesticides.

Nos organisations, déjà préoccupées par la possible levée du moratoire sur le maïs OGM MON810 de Monsanto, s’inquiètent donc du développement de ces plantes et vous demandent de vous opposer à leur développement et ce que vous entendez mettre en œuvre pour protéger l’environnement face à ces cultures.

Nous savons que, face au modèle agro-industriel, vous avez l’ambition de proposer un autre projet agricole – l’agroécologie – plus respectueux de l’environnement. Nous savons que vous avez régulièrement réaffirmé votre volonté de faire réduire l’usage des pesticides. Nous sommes convaincus de votre sincérité. Mais l’invasion progressive des tournesols et colzas VTH, ces plantes conçues pour résister à des herbicides, va totalement à l’encontre de vos ambitions.

Dans l’attente d’échos favorables de votre part, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de notre très haute considération.

-  Les mises en garde de l’expertise collective INRA/CNRS*

Contamination génétique

Les chercheurs de l’Inra*/CNRS* estiment que la caractéristique de tolérance aux herbicides, introduite par manipulation génétique, pourrait être diffusée à d’autres plantes, cultivées ou sauvages. Cette contamination sera importante avec le colza qui pourrait diffuser cette caractéristique à toutes les crucifères sauvages qui lui sont botaniquement proches (moutarde des champs, moutarde blanche, moutarde noire, rapistre, etc.).

Manque d’études d’impact sur les abeilles

Ils constatent le « peu de recherches » d’impact des VTH sur les pollinisateurs. Or à l’heure où les mortalités des colonies d’abeilles sont élevées et où le déclin général des pollinisateurs est démontré, l’importance d’évaluer de manière rigoureuse les effets directs et indirects des VTH sur les pollinisateurs est particulièrement cruciale. D’autant plus cruciale lorsque l’on sait que la part des miellées de tournesol et de colza est d’environ 35 % dans la production nationale de miel.

Pollution de l’eau

Ils avertissent que « le principal effet lié à l’adoption de VTH paraît être l’emploi accru des mêmes molécules (sur des surfaces plus importantes), conduisant mécaniquement à des teneurs plus élevées dans les eaux et augmentant le risque d’atteindre les taux limites réglementaires pour la potabilité ».

Développement de résistances

Ils affirment aussi que l’expansion de résistances des adventices aux herbicides « peuvent être amplifiées » par les VTH. Ils soulignent entre autres qu’avec les VTH, il existe « une forte probabilité de développement de résistance chez l’ambroisie, espèce à forte dissémination, déjà très abondante en France » et à l’origine de nombreux problèmes d’allergie.

Signataires : La Confédération Paysanne, l’Union des apiculteurs de France (Unaf), Les Amis de la Terre France, les Faucheurs volontaires d’OGM, Agir Pour l’Environnement, le Réseau Semences Paysannes, OGM Dangers, Nature et Progrès, Demeter et la LPO - Ligue pour la Protection des Oiseaux

Référence :Variétés végétales tolérantes aux herbicides - Effets agronomiques, environnementaux, socio-économiques, Synthèse de l’expertise scientifique collective réalisée par le CNRS* et l’INRA à la demande des ministères en charge de l’Agriculture et de l’Écologie, novembre 2011.