Le tribunal de Poitiers, dans son délibéré rendu aujourd’hui, mardi 28 juin 2011, a décidé de relaxer les huit inculpés (dont José Bové et François Dufour, pourtant récidivistes) et a débouté entièrement Monsanto de ses demandes financières.

Les Faucheurs, hormis leurs propres frais d’avocat, n’auront rien à débourser. La décision de relaxe est basée sur du « droit pur » et non sur des questions de fond. Ce n’est pas l’état de nécessité qui a été reconnu, comme lors des procès de Chartres [1] et d’Orléans [2]. Le procès avait eu lieu le 14 juin 2011 [3].

Interrogé par Inf’OGM au téléphone, François Dufour, conseiller régional EELV en Basse Normandie, se félicite bien entendu de la relaxe. Il nous précise : « Je ne m’attendais pas à une relaxe. Je pensais que le tribunal allait trouver un espèce de compromis bidouillé. Je ne m’y attendais pas mais […] étant donné les aspects juridiques sur le fond et les fautes qu’ils avaient pu faire, je ne voyais pas du tout comment ils pourraient nous appliquer une peine. Mon sentiment est donc que la Justice a été à la hauteur de l’enjeu ». C’est le dernier procès des Faucheurs pour des essais en plein champ de maïs mon810. François Dufour se réjouit que ces dizaines d’années d’action se terminent par une relaxe et par un arrêt de ces cultures. « Mais, il faudra rester vigilant », prévient-il.

Nicolas Gallon, avocat des Faucheurs, interrogé par Inf’OGM au téléphone, nous précise le contexte de cette décision importante pour le dossier OGM : « dans sa convocation, le tribunal a cité les faucheurs pour une destruction de parcelle d’OGM destinée à la culture commerciale. Or, il s’agissait d’un essai en champ à titre expérimental (Mon810xNk603). Et la loi française sur les OGM adoptée en 2008 différenciait précisément les deux types de destruction et donc deux délits ». Les avocats ont alors plaidé la relaxe sur la base de cette impossibilité de requalifier l’infraction à l’audience, sans l’accord des Faucheurs volontaires, qui ont refusé en déclarant : « nous sommes convoqués pour une destruction de parcelle commerciale, or il s’agit d’un essai. Donc on n’a pas commis l’infraction qu’on nous reproche ». Et le tribunal a suivi ce raisonnement en relaxant les huit inculpés.

Me Gallon juge que cette décision est « un juste retour des choses », car le texte qui instaure un délit spécifique pour le fauchage a été négocié par les partisans des OGM contre le droit à la transparence en matière de localisation des parcelles d’OGM. Avant la loi, que ce soit une parcelle d’essai ou commerciale, les Faucheurs étaient jugés pour destruction de biens en réunion. La loi de 2008 en spécifiant un délit de fauchage, créait une sorte de délit d’opinion, considèrent les Faucheurs. Et, tel l’arroseur arrosé, le Parquet et Monsanto se sont donc pris les pieds dans la procédure qu’ils ont eux-mêmes instaurée.

Interrogé sur la possibilité pour le Parquet ou la partie civile, à savoir Monsanto, de faire appel, Me Gallon nous précise qu’ils n’ont pas intérêt : « l’appel se fait nécessairement sur la même base juridique que le procès en première instance », donc sur une base juridique fausse. Ce que peut faire le Parquet ou Monsanto, « c’est de reconvoquer les Faucheurs sur la bonne base du texte adéquat », c’est-à-dire pour la destruction d’une parcelle expérimentale. Monsanto a une autre possibilité : la citation directe [4]. Reste à savoir si cette possibilité offerte sera jugée opportune par le Parquet et Monsanto. Me Gallon rappelle que lors de l’action contre l’un des sites de production à Carcassone [5], le tribunal avait relaxé les inculpés pour des questions de procédures et il n’y avait pas eu d’appel. Sur les suites de ce procès, François Dufour nous précise qu’il craint que le Parquet et Monsanto cherchent à tout prix à relancer la procédure, mais, ajoute-t-il, « s’il faut encore avoir un procès sur le fond, on l’aura »... Et de conclure que désormais « il y a une prise de conscience sociétale. Aujourd’hui, la grande majorité des gens a compris qu’on était dans du bricolage à marche forcée contre l’environnement, la biodiversité et contre la société ».

Source : Christophe Noisette, Inf’OGM, 28 juin 2011