Après l’appel de Bali de la Via Campesina demandant l’application complète du Traité par les 127 pays signataires, la confédération Paysanne, membre de l’organisation internationale, dénonce dans un communiqué la participation du gouvernement français dans le blocage des accords.

La quatrième réunion du Traité International sur les semences [1] du 14 au 18 mars à Bali s’est achevée tard dans la nuit de vendredi sur un constat de blocage. En se faisant représenter par deux représentants de l’industrie employés par le Groupement National Interprofessionnel des Semences, le gouvernement français porte une lourde responsabilité dans cet échec. En effet, la délégation française a tout fait pour que l’Europe empêche, aux côtés du Canada et de l’Australie [2], tout progrès réel dans le fonctionnement du Traité.

Depuis sa naissance en 2005, le Traité a rempli sa première tâche : offrir à l’Industrie un accès libre aux semences récoltées dans les champs de tous paysans du monde et enfermées dans les banques de germoplasmes. Cet accès lui est indispensable pour sélectionner les variétés qu’elle commercialise en interdisant aux paysans de réutiliser librement leurs semences ou de les échanger. Mais le Traité n’a pas commencé à accomplir sa deuxième tâche concernant les droits des agriculteurs qui sélectionnent, conservent, ont fourni gratuitement et fournissent encore toutes leurs semences :

• la protection de leurs savoirs traditionnels est sans cesse violée par la multiplication des actes de biopiraterie facilités par les Droits de Propriété Industrielle (brevets et Certificat d’Obtention Végétale - COV) imposés par l’Organisation Mondiale du Commerce.

• le partage des avantages issus de l’exploitation économique de leurs semences par le brevet ne fonctionne pas car l’industrie refuse de donner les indications nécessaires à son exécution. Avec le COV, elle a même inventé le partage à l’envers : non seulement elle ne paie rien aux agriculteurs à qui elle a emprunté leurs semences, mais en plus elle leur impose le paiement de royalties lorsqu’ils utilisent une partie de leur propre récolte comme semences.

• leurs droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences de ferme sont laissés sous la responsabilité des seuls gouvernements. Ainsi, l’Europe a repris à son compte la volonté de ne pas respecter ces droits, déjà affirmée par la France lors de la précédente réunion du Traité à Tunis : les agriculteurs ont le droit de payer des royalties pour pouvoir utiliser leurs semences de ferme et d’inscrire leurs variétés au catalogue pour pouvoir en commercialiser les semences, inscription qui leur est inaccessible vu les normes industrielles imposées.

En refusant au secrétariat du Traité tout financement lui permettant de travailler et en lui interdisant tout regard sur le respect de leur signature par les États qui ont ratifié le Traité, les pays riches et la France entendent bien bloquer tout avancée des droits des agriculteurs. Ils ont cependant dû concéder aux pays du Sud la mise en place d’un groupe de travail sur l’utilisation durable des semences avec la participation de représentants des agriculteurs et de la société civile, ainsi que l’organisation d’ateliers nationaux ou régionaux pour aborder ces questions d’ici la prochaine réunion de 2013, mais ils n’ont voté aucun budget pour réaliser ces actions qui risquent fort de rester lettre morte.

Il revient donc maintenant au gouvernement français de mettre à exécution les paroles de ses délégués à Bali en faisant appliquer lui même les droits des agriculteurs sur leurs semences dans sa loi.

Source : Communiqué de presse de la Confédération paysanne et du Réseau Semences Paysannes, 22 mars 2011





[1Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture

[2En l’absence des Etats-Unis qui n’ont pas ratifié le Traité