C’est un fauteuil plutôt miné en quête d’un titulaire depuis trois mois et qui pourrait enfin trouver preneur. Depuis sa création, le 7 décembre, le Haut conseil des biotechnologies, né de la loi sur les OGM, n’a toujours pas de président.

Le premier candidat proposé par le gouvernement a été retoqué en décembre, après un avis défavorable des commissions parlementaires. Le 1er avril, à en croire son agenda officiel, la commission des affaires économiques de l’Assemblée s’intéressera au nouveau postulant : Catherine Bréchignac, la présidente du CNRS.

L’enjeu est de taille : le Haut conseil est, selon la loi, chargé de « formuler des avis en matière d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique que peuvent présenter l’utilisation confinée ou la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés ». C’est donc lui qui serait amené à se prononcer sur les futures autorisations de mise en culture de plantes génétiquement modifiées en France. Et le président y joue un rôle crucial, pour faire tourner un conseil coupé en deux, scientifiques d’un côté, professionnels, élus, syndicalistes et associatifs de l’autre.

Le poste est d’ailleurs si sensible que, dans l’esprit du ministère de l’Ecologie, il devait plutôt échoir à un politique. Mais, au moment du passage de la loi au Sénat, au printemps, un règlement de comptes interne à l’UMP a fait dérailler ce principe. Furieux des prises de position peu favorables aux OGM du sénateur UMP Jean-François Le Grand, alors président du comité provisoire, ses collègues de la majorité ont fait graver dans la loi que le président du Haut comité devait être « un scientifique ». Contre l’avis du gouvernement qui, dans le contexte très agité de l’examen de cette loi, n’est finalement pas revenu dessus. Et a donc dû trouver un scientifique volontaire.

Audition. En décembre, le gouvernement pensait avoir trouvé le bon candidat avec Jean-Luc Darlix, virologue réputé, qui avait siégé au comité provisoire. Mais le postulant doit recevoir, en plus du soutien de Matignon, du ministère de l’Ecologie et de celui de la Recherche, l’approbation des commissions concernées au Sénat et à l’Assemblée. Qui ont toutes les deux rejeté massivement la candidature Darlix. « Je n’avais aucun a priori, ses compétences scientifiques ne sont nullement à mettre en doute, expliquait en janvier Jean Bizet, sénateur UMP, rapporteur du projet de loi et favorable aux OGM. Mais le déroulé de l’audition a montré que le professeur Darlix n’avait pas regardé la loi et les modalités de fonctionnement du Haut conseil. » Il n’a, semble-t-il, pas pris la mesure de l’importance que les sénateurs accordent à la séparation nette du conseil, scientifique d’un côté, éthique, économique et social de l’autre. Dans l’entourage de Jean-Louis Borloo, on reconnaît d’ailleurs que bien qu’ayant été briefé trois heures par un conseiller avant d’aller rencontrer les parlementaires, Jean-Luc Darlix n’avait pas été assez préparé pour un exercice aussi politique. En privé, certains parlementaires UMP ne cachent pas que ce candidat était de toute façon trop estampillé « ministère de l’Ecologie » pour avoir leur assentiment.

Option.

Le ministère repart donc en quête de la perle rare. Certains scientifiques approchés refusent. « On est un peu coincé, confiait en janvier un conseiller de Borloo. Soit on trouve un scientifique spécialiste des biotechnologies, et il sera rangé dans une catégorie, pour ou contre, soit on trouve un scientifique d’un autre domaine, qui puisse prendre du recul, et on lui reprochera de ne pas être assez pointu. » Avec Catherine Bréchignac, c’est la seconde option qui a été retenue. La physicienne, spécialiste de physique atomique, n’a pas pris de position connue sur les biotechnologies. Peu marquée politiquement, sa première épreuve sera de passer, en avril, l’épreuve des auditions parlementaires. En janvier, le sénateur Jean Bizet décrivait le candidat idéal : « Quelqu’un avec une position équilibrée, un solide bagage scientifique, et qui ait envie de dialoguer avec nos concitoyens. » Vendredi, il nous confiait que la présidente du CNRS correspondait au profil.

Source : Par GUILLAUME LAUNAY, Libération.fr, le 16 mars 2009