A la différence de la Chine ou des pays du Golfe, l’Union européenne (UE) n’achète pas directement de terres dans les pays en développement pour sécuriser certains de ses approvisionnements agricoles.

Mais ses habitudes alimentaires et ses choix énergétiques déterminent tout autant l’orientation des politiques agricoles dans ces pays, selon une étude de l’Organisation non gouvernementale Friends of the Earth (FoE, Les Amis de la terre) publiée vendredi 28 novembre.

"Chaque année, l’Europe utilise 16 millions d’hectares pour produire les denrées agricoles nécessaires à l’approvisionnement de ses usines d’agrocarburants et nourrir le bétail consommé par sa population. Mais seules 13 % de ces surfaces sont situées sur son territoire", affirment Friends of the Earth (FoE) qui dénoncent le "prélèvement" de terres que cela implique en contrepartie pour les pays qui assurent son approvisionnement.

Ce chiffre a été obtenu en convertissant en surfaces, à partir de rendements moyens par hectare, les tonnes de soja, de palme et de canne à sucre importées en 2007 par l’UE. L’Amérique latine (Brésil et Argentine en particulier) est la plus directement concernée par cette situation, puisqu’elle assure près des trois quarts des importations dont a besoin l’Union. L’alimentation animale représente encore l’essentiel de ces échanges mais l’envolée de la demande pour les agrocarburants modifie cet équilibre.

SOJA : 16 % DE LA FORÊT AMAZONIENNE

A quelques semaines de la discussion du paquet climat-énergie par le Conseil européen au sein duquel l’objectif de production d’agrocarburants doit être arrêté, l’ONG met en garde sur les conséquences que pourrait avoir un choix maximaliste. Pour parvenir à 20 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020, la Commission a proposé aux Etats de porter la part des agrocarburants dans le transport routier à 10 % contre 3 % aujourd’hui. Cet objectif, qui fait l’objet de vifs débats dans l’Union, contribuerait à aggraver "les pressions sur les forêts primaires d’Amazonie, l’insécurité alimentaire et les conflits sociaux", selon FoE.

L’Union importe essentiellement du soja du Brésil et de l’Argentine. Or "cette culture est un des vecteurs majeurs de la déforestation", pointe l’étude en soulignant les contradictions des Vingt-Sept qui par ailleurs s’affichent sur la scène internationale comme les leaders dans l’action contre le réchauffement climatique. La déforestation est responsable de 18 % des rejets de gaz à effet de serre.

La production de soja a plus que doublé en quinze ans en Amérique latine. Le Brésil est le deuxième producteur mondial. Les experts estiment que 16 % de la forêt amazonienne a déjà été convertie au soja. Après plusieurs années d’accalmie, le défrichage a repris en 2007. En réponse directe à l’envolée des prix sur les marchés internationaux, 770 000 hectares ont été rasés entre août 2007 et août 2008. Ces "détournements" de terre pèsent aussi sur les productions vivrières. En Argentine, les surfaces dédiées au riz ont reculé de 44 % au cours des dernières années, celles consacrées au maïs de 26 %, entraînant un renchérissement de ces denrées sur les marchés locaux.

Enfin, l’étude pointe les effets de cette agriculture intensive sur l’environnement. "La majorité du soja cultivé est issue d’une semence génétiquement modifiée, le Roundup Ready de Monsanto. Cette semence a développé une résistance aux herbicides si bien que les exploitants déversent de plus en plus de produits chimiques dans leurs champs, provoquant la pollution des cours d’eau", conclut l’ONG.

Source : Laurence Caramel, Le monde.fr, le 29 novembre 2008,