L’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), financée par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), est le fruit d’une analyse approfondie de plus de 1.800 articles scientifiques, réalisée par un collège d’experts issus de plusieurs disciplines (épidémiologie, toxicologie, clinique, médecine du travail, quantification des risques).

Rendue publique jeudi 2 octobre (1), elle a estimé le lien entre les facteurs environnementaux et 9 types de cancer, sélectionnés lors du premier volet de l’expertise en 2006, en raison de l’augmentation de leur incidence depuis 25 ans : cancers du poumon, du sein, de la thyroïde, de l’ovaire, du testicule, de la prostate, mésothéliomes, tumeurs cérébrales et hémopathies malignes (leucémies, lymphomes).

Le nombre de cancers a augmenté en France de plus de 90% entre 1980 et 2005. En excluant la part due à l’évolution démographique (croissance et vieillissement), cette hausse d’incidence demeure forte : 40% en moyenne. « Le lymphome de Hodgkin en hausse de 6% par an est devenu le troisième cancer le plus fréquent chez les femmes », souligne Guy Launoy, directeur de l’unité Cancers et population de l’Inserm. Les facteurs environnementaux sont suspectés d’être à l’origine de cette hausse inexpliquée.

L’expertise de l’Inserm ne s’est pas limitée à l’évaluation des cancérogènes « avérés » à l’instar de l’étude de l’Académie de médecine menée en collaboration avec l’Inserm et le Centre international de recherche contre le cancer (Circ) (une émanation de l’OMS) en 2007 à l’origine d’une polémique, mais s’est également penchée sur les facteurs environnementaux « incertains ».

D’après ce rapport, les pesticides représentent des facteurs environnementaux suspectés pour tous les cancers étudiés excepté le mésothéliome. D’après Jacqueline Clavel, chercheure en épidémiologie environnementale des cancers à l’Inserm, « un fort soupçon existe sur le rôle cancérogène des pesticides ». Ces substances sont ainsi un des facteurs les plus suspectés dans la hausse des tumeurs cérébrales. Cependant, la scientifique rappelle que « malgré l’observation d’une fréquence accrue de plusieurs types de cancer (leucémies, lymphomes) dans les populations agricoles et chez les enfants associée à un usage des pesticides, le lien de cause à effet n’est pas encore avéré ». Des études de causalité devront approfondir cette question afin d’écarter un autre facteur éventuel.

D’après l’Inserm, la plupart des études souffrent d’une forte imprécision sur l’exposition aux pesticides (types de substances et d’usage) et d’un manque de connaissances sur les risques liés à la contamination des milieux (alimentation, air, eau). L’expertise émet des recommandations visant à réduire l’exposition aux pesticides et à renforcer l’information auprès des utilisateurs ainsi que le suivi des populations exposées. Le Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF) regrette un rapport « prudent à l’extrême » et « le manque total d’ambition dans les recommandations qu’il préconise ». Le MDRGF appelle le Parlement à soutenir les mesures de réduction de 50% de l’usage des pesticides d’ici 10 ans et la promotion de l’agriculture biologique lors du vote des lois Grenelle I et II cet automne.

Les autres facteurs environnementaux « suspects » pour ces 9 cancers incluent le radon, la pollution atmosphérique (particules fines), les radiofréquences, les fibres minérales artificielles de substitution à l’amiante, les radiations ionisantes, le tabagisme passif ainsi que d’autres polluants (dioxines, PCB, benzène).

Le rapport confirme par ailleurs le rôle avéré de plusieurs facteurs environnementaux en particulier l’amiante pour les cancers du poumon et du mésothéliome ou les radiations ionisantes pour les hémopathies malignes, le cancer du poumon, les tumeurs cérébrales, le cancer du sein et de la thyroïde.

Les experts de l’Inserm ont insisté sur l’importance de poursuivre les efforts de recherche pour améliorer les connaissances sur l’effet à long terme des faibles doses de polluants, en jeu notamment pour les dioxines et les rayonnements ionisants, ainsi que l’impact des « mélanges » de plusieurs facteurs ainsi que la susceptibilité individuelle face au risque.

A partir de cette expertise, l’Afsset publiera un avis assorti de recommandations à destination des décideurs et du public. « Nous prônerons la mise en œuvre de mesures de prévention même s’il demeure des incertitudes scientifiques », précise Henri Poinsignon, directeur général par intérim de l’Afsset. L’Afsset utilisera également ce rapport dans le cadre de sa contribution au plan national Santé-environnement (PNSE 2), au plan Cancer 2 et au plan Santé au travail 2.

Voir le communiqué de prese de l’INSERM.

Source : Le journal de l’environnement, par Sabine Casalonga le 3 octobre 2008