Bruxelles menace-t-elle la santé des enfants européens avec des pommes ou du raisin aux pesticides ? C’est ce qu’affirment plusieurs ONG qui dénoncent de nouvelles normes européennes en matière de résidus chimiques dans les aliments, qui entrent en vigueur ce lundi.


« La Commission européenne nous entraîne vers une contamination toujours plus importante de plus en plus de pesticides dans les aliments. Les enfants devraient pouvoir manger autant de fruits et de légumes qu’ils le souhaitent et ce sans risque », alerte Ulrike Kallee, experte en produits chimiques pour Greenpeace.

En cause, un règlement européen qui fixe à partir du 1er septembre de nouveaux plafonds autorisés pour la présence de résidus de pesticides dans les aliments.

Ces nouveaux seuils, qui harmonisent les normes européennes en la matière, doivent remplacer les limites fixées actuellement au niveau national. Mais ce règlement a en fait pour effet d’entraîner une augmentation « spectaculaire » des limites existantes, selon les ONG.

349 pesticides différents, selon les ONG

Selon une analyse conjointe de Greenpeace et de l’ONG environnementale autrichienne Global 2000, « plusieurs centaines de limites maximales en résidus (LMR) deviennent désormais dangereuses pour les consommateurs », et ce « au regard même des normes d’analyse et des méthodes d’analyses fixées par l’UE ».

Au total, 349 pesticides différents sont présents dans les produits alimentaires vendus dans l’UE, indiquent les ONG.

Or, « pour chaque pesticide, la Commission a identifié le pays ayant la plus mauvaise limite de sécurité et a adopté ce niveau pour les normes européennes, explique Hans Muilerman, porte-parole de l’ONG néerlandaise Natuur en Milieu. Les consommateurs européens vont donc être moins bien protégés en étant exposés à plus de 200 pesticides différents à des niveaux importants. »

Selon le rapport de Greenpeace et Global 2000, la consommation de pommes, poires, raisins, tomates et poivrons pourrait en particulier désormais poser des risques pour la santé des enfants. « Pour un enfant pesant 16,5 kilos, la dose de pesticide dangereuse pour la santé est dépassée après la consommation de 20 grammes de raisin (soit 5 à 7 grains), 40 grammes de pomme ou 50 grammes de prunes », affirme le biochimiste Helmut Burtscher, cité par Global 2000.

Dans certains pays étudiés, comme l’Allemagne ou l’Autriche, le changement serait très préoccupant, selon ces associations.

« Une alimentation plus sûre », se défend la Commission

La Commission européenne a défendu vendredi ses nouvelles normes : « Dans plusieurs cas, l’UE a établi des limites maximales en résidus alors que les Etats membres n’en avaient pas, rendant notre alimentation plus sûre », déclare la Commission européenne dans un communiqué, soulignant que les nouvelles normes se basent sur des « données scientifiques ».

« Nous ne sommes pas d’accord avec les critiques des ONG, parce que d’abord nous ne parlons pas des mêmes choses, précise Nathalie Charbonneau, porte-parole de la Commission européenne. Nous avons fait une analyse qui est beaucoup plus large que la leur ». La Commission estime par ailleurs les ONG se sont appuyées sur des données « imprécises ».

Néanmoins, « la Commission examinera toute étude qui lui sera soumise, indique-t-elle. S’il s’avère que l’une d’elle contient de nouvelles preuves scientifiques selon lesquelles les limites maximales en résidus ne garantiraient pas la sécurité alimentaire, la Commission demandera un avis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). »

L’association Natuur en Milieu et le réseau PAN Europe ont lancé en août une action en justice devant la Cour européenne de justice, soutenant que « le règlement est fondamentalement vicié et doit être revu d’urgence », selon PAN Europe.

La Commission doit maintenant fournir une copie de sa position dans les trois prochains mois à la Cour, précise PAN Europe. Celle-ci pourrait alors donner un avis début 2009.

Source : Libération.fr du 1 septembre 2008