Après avoir dressé la liste des pesticides dangereux utilisés dans le monde, Greenpeace passe au crible les 5 principales entreprises productrices de phytosanitaires. Aucune n’évite les critiques, et toutes sont accusées de mettre gravement en danger la santé des populations et celle de l’environnement. L’ONG réclame une démarche forte de l’Union européenne pour limiter l’impunité des multinationales.

" Les portefeuilles sales de l’industrie des pesticides ". Dès le titre de son rapport, Greenpeace accuse, et son plaidoyer est plutôt inquiétant. L’ONG environnementale a examiné les produits phytosanitaires proposés par les entreprises leaders du secteur : les Allemands Bayer Crop Science et BASF, les Américains Dow Agro-Science et Monsanto, et le Suisse Syngenta, qui a eux cinq représentent les trois quarts du marché des pesticides. Le rapport est accablant pour la filière et alarmant pour les consommateurs du monde entier.

En janvier 2008, Greenpeace sort un rapport intitulé "Black list of pesticides ". Cette liste noire des pesticides recense les produits phytosanitaires qui menacent la santé et l’environnement. Selon ce texte, 170 pesticides utilisés dans l’Union européenne et 327 utilisés dans le monde sont dangereux pour la santé humaine. Greenpeace demande alors que ces substances soient progressivement interdites. Elle publie ensuite la liste des pesticides pour lesquels la toxicité ne peut être ni confirmée ni infirmée, faute d’information publique suffisante. Ce rapport, familièrement dénommé " Yellow list ", n’indique certes pas de dangerosité avérée, mais témoigne du secret, prétendu industriel, qui règne sur les produits phytosanitaires.

En publiant mi-juin le 1e classement au monde des principales compagnies productrices de pesticides, la section allemande de l’ONG a donné le coup de grâce à la filière. Basée sur les risques et les effets de ces pesticides sur l’organisme et l’environnement, l’étude a considéré 512 substances, et littéralement compté les points : 2 points si le produit appartient à la Black list, 1 s’il appartient à la Yellow list, ou s’il ne peut être détecté dans l’alimentation. Le total, déjà peu glorieux, a été réévalué selon les parts de marché de l’entreprise. Le rapport conclut à de grandes différences entre les impacts sur la santé et l’environnement des 5 multinationales étudiées. Toutes catégories confondues, Monsanto reste le " leader " du toxique, mais, au final, les cinq firmes sont sur le banc des accusés.

Un tiers des pesticides sur le marché sont dangereux
Près de la moitié des pesticides produits par les sociétés étudiées font partie de la Black list. Il s’agit principalement d’insecticides. Autrement dit, plus d’un tiers des phytosanitaires mis sur le marché mondial présentent un risque pour la santé humaine et pour l’environnement. Monsanto propose moins de principes actifs que ses concurrents, mais ils font très largement partie de la liste noire. 60% des 15 produits vendus par Monsanto sont dangereux, contre 53% pour Bayer (163 substances), 48% pour BASF (45), et 39% pour Dow (29) et Syngenta (69). En parts de marché, Bayer et Syngenta sont les entreprises qui vendent le plus de substances dangereuses pour la santé humaine.

En moyenne, seuls 16% des pesticides produits par ces cinq entreprises, Monsanto en tête, font partie de la Yellow list. Monsanto est également l’entreprise qui propose le plus de pesticides non détectables (75%, contre 50% chez Dow). Ces substances, qui ne peuvent être détectées dans la nourriture, faute de moyens scientifiques adéquats, posent le problème du principe de précaution. Greenpeace réclame un suivi, du producteur aux assiettes, de la présence de pesticides dans l’alimentation, et demande qu’aucun pesticide indétectable ne soit autorisé. Elle interpelle également les " acteurs impliqués dans le secteur alimentaire doivent remplacer les pesticides de la Black list par d’autres substances ".

L’Europe doit légiférer

L’ONG formule par ailleurs plusieurs recommandations à l’Union européenne. Outre une aide à la recherche de substituts aux substances dangereuses, elle propose la validation systématique des pesticides avant leur mise sur le marché. Appel presque entendu par les ambassadeurs européens, qui ont décidé la révision des lois en vigueur sur les pesticides. Les ministres de l’agriculture de l’Union devraient ainsi débattre lundi 23 juin de la possibilité de réduire le nombre des produits phytosanitaires autorisés. En parallèle, le parlement européen a annoncé que 33 polluants, dont de nombreux pesticides, seraient soumis à des normes de qualité environnementale d’ici 2018. Une échéance qui parait bien lointaine, et qui ne risque pas de porter atteinte à l’économie du secteur : les 5 entreprises leaders ont réalisé 18,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur les pesticides en 2007.

Retrouvez sur ce lien le rapport de greenpeace en anglais.