L’Argentine accueille depuis 13 ans d’importantes cultures de soja transgénique tolérant le Roundup dont la molécule active, le glyphosate, est considérée par de nombreux scientifiques comme dangereuse pour la santé humaine.

Une nouvelle étude, réalisée par le laboratoire d’Embryologie Moléculaire du Conicet-UBA (Faculté de Médecine), confirme ces risques sanitaires. Ce laboratoire a démontré que le glyphosate, à des doses entre 50 et 1540 fois inférieures à celles utilisées dans les cultures de soja, entraîne des malformations dans la morphologie des embryons d’amphibie . Cette étude n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique, mais l’un des responsables a souhaité informer immédiatement la population, sans attendre la fin du processus de validation. En effet, précise le chercheur, diffuser des résultats par voie de presse avant qu’ils ne soient publiés dans une revue scientifique est une pratique courante. Cependant, l’équipe de chercheurs doit encore affiner ses expériences et s’attachera notamment à mettre à jour de façon précise les causes mécaniques et moléculaires de ses observations. Une fois tous ces résultats obtenus, elle lancera le débat dans la communauté scientifique, notamment afin que d’autres chercheurs reprennent ses expériences pour en confirmer la reproductibilité.

Concrètement, dans leurs résultats préliminaires, les chercheurs observent une diminution de la taille des embryons et de sérieuses altérations céphaliques. L’étude note aussi des altérations dans les mécanismes de formation de neurones précoces, par une diminution de neurones primaires compromettant le développement correct du cerveau, et entraînant des altérations de la fermeture normale du tube neural ou d’autres déficiences du système nerveux. Elle continue en précisant que des malformations intestinales et des malformations cardiaques ont aussi été observées, ainsi que des altérations dans la formation des cartilages et des os du crâne, compatible avec une augmentation de la mort cellulaire programmée. Ces résultats impliquent que le glyphosate affecte l’ensemble des cellules qui ont pour fonction la formation des cartilages et ensuite des os du crâne. Or, notent les chercheurs, si l’industrie chimique recommande d’utiliser des dilutions entre un et deux pour cent de glyphosate, l’apparition des mauvaises herbes résistantes à cette molécule fait que les concentrations sont, en réalité, beaucoup plus élevées, et peuvent, affirment les responsables de l’étude, atteindre des concentrations comprises entre dix et trente pour cent (100/300 millilitres par litre d’eau).

Le travail ne s’est pas seulement concentré sur le glyphosate mais aussi sur les autres substances présentes dans le Roundup, appelés co-adjuvantes. « Le POEA (substance dérivée d’acides synthétisés de graisse animale) est l’un des additifs les plus communs et les plus toxiques, il se dégrade lentement et s’accumule dans les cellules », accuse l’étude. Le POEA facilite la pénétration du glyphosate dans les cellules végétales et améliore son efficacité.

Des réactions contrastées

La réponse de Monsanto et des autres promoteurs des plantes transgéniques ne s’est pas faite attendre. Le professeur Andres Carrasco, directeur du laboratoire d’Embryologie Moléculaire dans une entrevue avec Dario Aranda, journaliste argentin, affirme que s’il s’attendait à une réaction, il fut surpris par l’ampleur de cette dernière : menace anonyme, campagne de dénigrement par les media, et pressions politiques. Il est d’autant plus surpris qu’il considère que sa recherche ne fait que confirmer ce que d’autres chercheurs, comme le professeur Séralini, ont déjà découvert et ce que vivent au quotidien des centaines de villages situés à proximité des zones de soja transgénique. Cependant, cette réponse peut aussi s’expliquer par deux autres conséquences de ce travail : d’une part la plainte déposée par l’association des avocats environnementalistes (Asociación de Abogados Ambientalistas) devant la Cour Suprême pour demander l’interdiction de l’utilisation et de la vente du glyphosate tant que des études à long terme sur la santé humaine et l’environnement n’auront pas été réalisées ; et d’autre part, la décision du ministère de la Défense qui, le 20 avril, a interdit le soja roundup ready dans ses champs. Cette décision est une première de la part d’une instance gouvernementale.

Source : Inf’OGM, par Christophe Noisette, mai 2009