Victoire judiciaire !

Les « chartes d’engagements », qui encadrent l’usage des pesticides près des habitations, sont jugées « contraires à la Constitution ».

"Grande victoire" pour les ONG, le gouvernement va à nouveau devoir revoir sa copie sur les règles d'épandage des pesticides à proximité des habitations: les dérogations permises localement par des "chartes d'engagement" ne sont pas conformes à la Constitution. 
Les défenseurs de l'environnement le clamaient haut et fort depuis des mois: ces "chartes d'engagement départementales", qui permettent de réduire les zones de non traitement entre les distances minimales entre les cultures traitées et les habitations, ne protègent pas suffisamment les riverains et sont élaborées dans l'opacité. 
Le Conseil constitutionnel leur a effectivement donné raison vendredi sur la méthode d'élaboration de ces chartes, qui ne respectent pas les règles de consultation générale du public imposées par la Charte de l'environnement qui a valeur constitutionnelle. 
"Les dispositions contestées se bornent à indiquer que la concertation se déroule à l'échelon départemental, sans définir aucune autre des conditions et limites dans lesquelles s'exerce le droit de participation du public à l'élaboration des chartes d'engagements", écrit le Conseil. "Le fait de permettre que la concertation ne se tienne qu'avec les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées par des produits phytopharmaceutiques, ne satisfait pas les exigences d'une participation de +toute personne+ qu'impose l'article 7 de la Charte de l'environnement", poursuit-il. Par conséquent, ces dispositions "doivent être déclarées contraires à la Constitution". 
Cette décision s'applique immédiatement à toutes les procédures engagées contre les quelque 80 chartes d'engagement existantes. "C'est une claque énorme pour le gouvernement" et "la preuve que nous avions raison", a réagi François Veillerette, porte-parole de l'ONG Générations Futures. "Ce n'est pas comme ça qu'on gère les relations entre le monde agricole et les riverains des cultures, il faut prendre en compte la parole de tous les citoyens", a-t-il déclaré à l'AFP, dénonçant des chartes d'engagement "aux mains des chambres d'agriculture". 
Après plusieurs mois de polémiques, le gouvernement avait finalement en décembre 2019 fixé les distances minimales à respecter entre les zones d'épandage de produits phytosanitaires et les habitations: cinq mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et céréales et dix mètres pour les cultures hautes, fruitiers ou vignes. 
 
"Coup d'arrêt" 
Mais le décret prévoyait également des dérogations ramenant ces distances à trois mètres pour les cultures hautes et cinq pour les basses, dans le cadre de "chartes d'engagement départementales" proposées par les utilisateurs de produits phytosanitaires et validées par les préfets après avoir été soumises à concertation publique. Chartes qui prévoient notamment que l'agriculteur utilise des équipements limitant la dérive, c'est-à-dire le dépôt en dehors des zones traitées. Plusieurs ONG, dont Générations Futures, France Nature Environnement ou UFC-Que Choisir avaient saisi le Conseil d'Etat qui, le 4 janvier dernier, s'est lui tourné vers le Conseil constitutionnel. 
C'est "un pas important vers la réduction des épandages de pesticides. Le droit au service de l'écologie et la santé !", a réagi sur Twitter le patron des Verts Julien Bayou, saluant une "nouvelle victoire" des associations écologistes. 
"Ca fait deux fois que les plus hautes juridictions nationales demandent au gouvernement de revoir sa copie sur la protection des riverains face aux épandages de pesticides", s'est félicité auprès de l'AFP Me François Lafforgue, avocat des huit ONG dans cette affaire, satisfait du "coup d'arrêt" porté à ces chartes. 
En juin 2019, le Conseil d'Etat avait déjà jugé qu'un arrêté de 2017 réglementant l'utilisation des produits phytosanitaires ne protégeait pas suffisamment la santé des riverains ni l'environnement, obligeant l'Etat à modifier les dispositions. D'où les nouvelles mesures prises fin 2019 dans un contexte de fronde de maires et de collectivités locales qui avaient multiplié les arrêtés limitant ou interdisant l'usage de pesticides sur leur territoire. 
Dans ce volet de l'histoire, le Conseil d'Etat a définitivement jugé fin 2020 que les maires n'avaient pas le pouvoir de prendre de tels arrêtés d'interdiction, la règlementation des produits contestés relevant des prérogatives de l'Etat. Les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique n'ont pas réagi dans l'immédiat à la décision du Conseil constitutionnel.
 
Source : AFP