Plus connus sous le nom de pyralènes, les PCB (polychlorobiphényles), des polluants qui se sont insinués pendant des décennies dans l’environnement, peuvent-ils en être extraits sans engendrer un risque sanitaire supplémentaire ? C’est l’une des questions auxquelles devra répondre le pôle de compétitivité Axelera de la région Rhône-Alpes, qui a lancé fin avril un programme de recherche sur la dépollution des milieux aquatiques.

Avec un budget de 10,5 millions d’euros et trente partenaires publics et privés, le projet piloté par Suez Environnement s’inscrit dans le Plan national d’actions sur les PCB lancé en février 2008 par les ministères de l’écologie, de l’agriculture et de la santé. Les résultats sont attendus en 2012.

Commercialisés par Monsanto à partir des années 1930 comme isolants dans les transformateurs électriques et les lubrifiants, les PCB sont interdits en France depuis 1987. Peu solubles et potentiellement cancérigènes, ces polluants organiques persistants (POP) se fixent aux particules fines des sédiments des cours d’eau avant de s’introduire dans la chaîne alimentaire. L’adoption, en 2006, par l’Union européenne des normes de l’Organisation mondiale de la santé sur la concentration admissible de PCB dans les poissons avait conduit à une série d’arrêtés préfectoraux interdisant la consommation de ceux pêchés dans certains secteurs de la Somme, du Rhône et de la Seine.

La dépollution constitue aussi un marché. "Sur la phase opérationnelle, nous estimons à 440 le nombre d’emplois qui seront créés après 2012 et à 250 millions d’euros par an le chiffre d’affaires potentiel pour l’ensemble du projet, dont 165 millions en France", indique Bruno Allenet, président du pôle de compétitivité.

10 MILLIARDS D’EUROS

La problématique de la contamination des cours d’eau aux PCB fait l’objet de peu de recherche au niveau européen et pourrait rapporter gros si les pays membres s’engageaient dans la remise en "bon état" écologique des masses d’eau pour 2015, prévue dans la directive-cadre sur l’eau. "On peut extrapoler à 10 milliards d’euros le marché européen pour parvenir à cet objectif", estime Bruno Allenet.

Au cours des quarante prochains mois, les partenaires du projet exploreront un éventail de technologies de dépollution in situ et ex situ. "Il faut d’abord caractériser la pollution, car il existe plus de deux cents formes différentes de PCB, explique Anne-Valérie Goulard, directrice de l’innovation chez Suez Environnement. Il faut aussi analyser la situation géographique des lieux contaminés et les risques de dissémination en aval en intervenant sur le sédiment."

Au final, le plan de travail du pôle rhônien devra aboutir à un outil d’aide à la décision pour les collectivités touchées. "La solution mécanique est incontournable, souligne Laurent Galtier, chef de projets à la direction des grands projets de SITA France, filiale de Suez Environnement qui pilote quatre projets de recherche appliquée. Si on ne peut traiter les sédiments pollués, il faudra les confiner dans un endroit sécurisé."

Cette solution a été retenue pour l’Hudson, aux Etats-Unis. Entre 1947 et 1977, la compagnie General Electric y aurait déversé plus de 590 tonnes de PCB. En 2001, l’Agence de protection de l’environnement américaine condamnait la compagnie à décontaminer le cours d’eau. Les travaux de dragage devaient débuter en mai et prévoient de charrier 242 000 m3 de sédiments lors de la première année. Ce type de projet implique des coûts énormes, ce qui pousse les chercheurs français à trouver de nouveaux procédés.

Huit modes de traitement seront testés par l’Institut des sciences appliquées (INSA) de Lyon. "En raison des risques environnementaux, il faut une échelle de validation intermédiaire entre le laboratoire et la plate-forme industrielle", explique Jacques Méhu, professeur à l’INSA de Lyon.

Les chercheurs travailleront sur des sédiments extraits du Rhône. Bactéries, champignons, charbon actif, chauffage figurent parmi les moyens envisagés pour dégrader les PCB. "Tous ces procédés ont déjà été identifiés en laboratoire. Les avancées scientifiques se feront véritablement au niveau de leurs conditions de mise en oeuvre", conclut M. Héhu.

Source :Le Monde.fr, Véronique Labonté, le 27 mai 2009