Un mois après la publication de l’étude Séralini qui a fait scandale sur les OGM, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a rendu ses conclusions ce lundi 22 octobre. Le président de l’agence, Marc Motureux, a estimé :

« Au delà du plan méthodologique, il y a une faiblesse centrale quant à des conclusions insuffisamment soutenues par les résultats des expériences »

Si l’étude portant sur le maïs GM NK603 et le Roundup est qualifiée par l’Anses de statistiquement « non-conclusive », c’est qu’elle ne permet pas une analyse statistique suffisamment précise pour aboutir à une conclusion garantissant un taux de probabilité supérieur à 95%, a précisé Jean-Pierre Cravedi, le président du Groupe d’expertise d’urgence en charge du dossier pour l’Anses.

Cette insuffisance dans la puissance statistique s’explique par le nombre de rats par groupe, a-t-il ajouté :

« Ces rats ayant une tendance naturelle à développer des tumeurs, il aurait fallu des groupes d’au moins cent rongeurs pour confirmer des variations significatives. »

L’étude Séralini comptait vingt groupes de dix cobayes, la moyenne des tests industriels. Dans les conditions demandées par l’ANSES, il en faudrait des milliers, soit une expérimentation d’une ampleur jamais vue.

« Engager des recherches sur la question des effets à long terme »

Dans un effort de diplomatie notable, l’Agence a reconnu :

« L’originalité de cette étude est qu’elle aborde un sujet jusqu’ici peu étudié : celui des effets à long terme des OGM associés aux préparations phytopharmaceutiques. »

L’Agence note effectivement que seulement deux études sur les effets de long terme des OGM avaient été menées - l’étude de Malatesta, membre de l’équipe Séralini, et celle du Japonais Sakamato.

D’où la nécessité, selon elle, d’« engager des recherches sur la question des effets à long terme » sur la base de « financements publics ». Il est étonnant de voir que l’agence veut « renforcer les exigences » sur l’évaluation des OGM, alors que ceux-ci sont commercialisés depuis plus de quinze ans.

Lorsqu’il est questionné sur ce décalage entre le faible niveau de connaissances disponibles et une commercialisation de longue date, Marc Motureux répond, quelque peu embarrassé :

« On est sur une technologie en développement. Au fil du temps, il y a une augmentation du nombre de modifications apportées aux plantes, ce qui implique une vigilance renforcée sur leur évaluation. »

L’enjeu d’une nouvelle réglementation

Le débat actuel sur l’évaluation des OGM en Europe porte sur des plantes de premières générations contenant une ou deux « cassettes génétiques » pour la sécrétion d’insecticides et la tolérance à plusieurs herbicides.

Aux Etats-Unis, pioniers en biotechnologies agricoles, le dernier maïs de Monsanto mis à la culture compte huit traits « empilés », dont deux de résistance aux herbicides pour contrer la tolérance croissante des mauvaises herbes au Roundup.

Cependant, l’autorisation individuelle de chaque « cassette génétique » reste un enjeu majeur au regard du dispositif américain sur lequel s’appuie l’Europe pour ses propres autorisations. Outre-Atlantique, l’évaluation de ces plantes génétiquement modifiées multi-traits repose en effet sur les autorisations précédemment obtenues pour des « événements » à trait unique, les empilements n’étant pas soumis à vérification.

Une facilité réglementaire basée sur le « principe d’équivalence en substance » évite de réaliser de nouveaux tests pour chaque combinaison, et écarte hors du champ d’investigation les éventuels « effets cocktail » de ces molécules combinées.

« Mettre en place une redevance industrielle »

Ce point est mis en avant par l’Anses, qui note également la nécessité de prendre en compte les « formulations complètes » des pesticides en incluant leurs « substances actives et les co-formulants ». L’agence reconnaît que « les effets cocktail sont insuffisamment documentés », et réclame d’avantage de ressources afin de « réaliser des recherche d’envergure avec de meilleurs protocoles ».

Pour François Veillerette, président deGénérations Futures etauditionné par l’ANSES :

«  L’étude Séralini a permis de remettre sur le haut de la pile le dossier de l’évaluation insuffisante des OGM et des pesticides.

Il faut mettre en place une redevance industrielle pour financer l’ensemble de ces tests et également permettre une étude approfondie des effets cocktail. Ce sont les producteurs de risques qui doivent en être les payeurs. »

Source : De l’intérêt du Conflit, Rue89, 22 octobre 2012