Eric MEUNIER, pour Inf’OGM, le 11 octobre 2016

Alors que le dossier OGM se focalise de plus en plus sur les nouvelles techniques de modification génétique, la Commission européenne a pris la décision d’autoriser commercialement quatorze plantes transgéniques à destination de l’alimentation humaine et animale.

Et cinq autres autorisations pourraient suivre sous peu dont trois concernant la culture ! Une actualité qui permet de voir d’une part les largesses que prend la Commission européenne avec les avis des experts européens ; et d’autre part que des États membres, sur le maïs Mon810, peuvent interdire la culture d’un OGM sur leur territoire mais voter pour l’autorisation de son importation au niveau européen !

Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas entendu parler d’autorisations commerciales d’OGM. Mais depuis cet été, trois sojas et onze maïs ont fait l’objet d’une décision favorable de la Commission européenne, les États membres n’ayant pas dégagé de majorité qualifiée pour ou contre ces demandes d’autorisation.

La résistance au glyphosate toujours d’actualité, le Parlement européen toujours impuissant

La première salve d’autorisations a été lancée le 22 juillet 2016 avec trois sojas génétiquement modifiés notamment pour tolérer les herbicides à base de glyphosate [1]. Soumises par Monsanto pour les sojas transgéniques Mon87708*Mon89788 (tolérant les herbicides à base de glyphosate et de dicamba) et Mon87705*Mon89788 (tolérant les herbicides à base de glyphosate et avec une composition en acide gras modifiée) ; et par Bayer pour le soja FG72 (résistance aux herbicides à base de glyphosate et d’isoxaflutole – ces derniers étant utiles pour « contrôler les adventices résistantes au glyphosate » selon Bayer...), ces trois demandes étaient dans les tuyaux de l’Union européenne depuis 2011 et 2012. Les trois sojas sont donc autorisés à l’importation jusqu’au 21 juillet 2026.

Pourtant, le glyphosate fait l’objet d’une importante controverse quant à sa toxicité depuis plusieurs mois. En cours de demande de prolongation d’autorisation depuis 2012, la décision finale est aujourd’hui attendue pour fin 2017 après que la Commission européenne ait décidé de prolonger son autorisation de 18 mois [2]. Mais cette polémique n’a pas interféré avec la décision du 22 juillet. Car les sojas étant autorisés à l’importation et non à la culture, l’enjeu n’est pas l’utilisation agricole du glyphosate mais plutôt ce qui paraît être la volonté de la Commission de ne pas fermer le marché européen aux importations d’OGM pour l’alimentation animale principalement. On peut néanmoins souligner qu’en autorisant donc ces trois sojas, la Commission européenne valide que les herbicides à base de glyphosate puissent être utilisés ailleurs que sur le sol européen et ce, malgré les dires d’experts européens et internationaux ne pouvant se prononcer sur leur toxicité, voire, pour certains d’entre eux, affirmant cette toxicité. La logique qui aurait voulu que la Commission européenne n’autorise pas des produits induisant l’utilisation d’une molécule controversée même si ce n’est pas en Europe n’a rien d’aberrant.

Mais en l’absence de vote majoritaire des États membres, la Commission européenne est seule souveraine dans la décision finale. A tel point que le Parlement européen n’a aucun mot à dire. Et ce, alors même qu’il avait, le 3 février 2016, officiellement exprimé son opposition à ce que ces trois sojas soient autorisés commercialement [3] !

Un mois et demi plus tard, et à nouveau à l’encontre d’une position du Parlement européen adoptée le 8 juin 2016 [4], la Commission remettait ça avec onze autorisations commerciales à destination de l’alimentation humaine et animale pour un maïs transgénique à quatre évènements de transformation et ses dix sous-combinaisons, le maïs Bt11*Mir162*Mir604*Ga21 [5].Syngenta, ou toute autre entreprise ayant un accord de licence avec Syngenta, pourra maintenant importer et vendre en Europe ce maïs GM et ses sous-combinaisons. Autorisés jusqu’au 15 septembre 2026, ils sont génétiquement modifiés pour tolérer des herbicides à base de glyphosate et/ou glufosinate ainsi que tuer des insectes et vers des racines du maïs.

Si la Commission européenne affirme dans sa décision que « ces OGM ont suivi la procédure d’autorisation complète, incluant une évaluation favorable de l’AESA (Autorité européenne de sécurité des aliments) », la lecture de l’avis de l’AESA, adopté le 29 octobre 2015, montre que ce n’est pas le cas pour toutes les sous-combinaisons. Dans son résumé [6], les experts européens précisent en effet que « parmi les dix sous-combinaisons, quatre avaient été évaluées précédemment […] Pour les six autres, le panel OGM de l’AESA a suivi une approche dite du poids de l’évidence et conclu que l’on s’attend à ce qu’ils soient aussi sûrs que le maïs GM avec les quatre évènements de transformation empilés. Pour certaines sous-combinaisons […] peu voire aucune donnée n’ont été soumises, donnant lieu à certaines incertitudes du fait de ces lacunes ». Et de recommander que l’entreprise fournisse ces données quand elle les aura. Un flou qui n’a pas gêné la Commission européenne pour autoriser ces OGM…

Et d’autres dossiers pour l’importation avancent

Le 15 septembre, la Commission européenne faisait voter les États membres réunis au sein du comité d’appel sur deux demandes d’autorisation à l’importation pour le maïs Mon810 et le coton 281-24-236*3006-210-23*Mon88913 de Mycogen / Dow Agroscience. Si le comité d’appel n’a pas pris de décision, faute de majorité qualifiée, on peut souligner un paradoxe dans le vote de certains États membres.

Le résultat des votes qu’Inf’OGM s’est procuré montre en effet que des pays ayant obtenu d’être exclus de l’éventuelle autorisation pour la culture du maïs Mon810 [7], ont – logiquement peut-on dire - voté contre l’autorisation à l’importation (voir tableau des votants sur le site d’Inf’OGM). Peut-être parce que considérant que si des risques pour l’environnement existent chez eux, il en va de même pour les pays producteurs de maïs Mon810 et qu’il est logique de ne pas alimenter cela. Mais d’autres pays ayant également obtenu d’être exclus de la zone géographique de culture du Mon810 en cas d’autorisation se sont eux abstenus (la France, l’Italie et l’Allemagne), voire ont voté pour (le Danemark, Malte et les Pays-Bas) !

Une possible conséquence du règlement adopté en 2015 et instaurant le droit pour les États membres de négocier l’interdiction de culture d’un OGM sur leur territoire [8] ? Toujours est-il que la décision finale d’autorisation ou de rejet d’autorisation est maintenant dans les mains de la Commission européenne. Et ce, alors même que le Parlement européen a voté contre ces deux autorisations le 5 octobre 2016 [9].

La culture d’OGM bientôt dans les champs européens ?

Lire la fin de l’article et ses sources sur le site d’Inf’OGM et soutenez une veille indépendante sur les OGM.