On savait la Commission européenne complètement convertie aux OGM. Cela ne date pas d’hier. L’exécutif Barroso 1 en a même fait une priorité, en dépit de résistances internes, notamment celle de son commissaire à l’Environnement, le grec Stavros Dimas.

S’appuyant régulièrement sur des arguments fallacieux, maniant la langue de bois avec un certain art, faisant semblant d’attacher de l’intérêt au débat public, usant de procédures juridiques avec un talent rarement atteint, elle arrive progressivement à réaliser ses objectifs : imposer les OGM faisant fi des doutes exprimés par l’opinion publique et scientifique. Dernier exemple de ce cynisme, l’autorisation de commercialisation de 3 OGM validée il y a quelques jours par l’éxécutif européen. Les circonstances de cette autorisation sont elles mêmes éloquentes et révèlent un état d’esprit pour le moins contestable. Il s’agit de 3 types de maïs ogm produits par Monsanto, le Mon 89034 et 88017, et par Pioneer Overseas Corporation, le 59122xNK603, Ils ont été validés de façon plutôt cavalière par la Commission, d’autant que tous les trois posent un certain nombre de questions du point de vue sanitaire.


Les parlementaires européens méprisés

D’abord la date. Le mandat de l’actuelle Commission européenne venait à échéance le 31 octobre. Depuis ce jour, elle est en "affaires courantes" dans l’attente de la formation d’une nouvelle Commission sous les règles du Traité de Lisbonne. Et bien, c’est au dernier jour de ce mandat que la signature a été apposée sur la demande d’autorisation. Considérant probablement qu’autoriser des OGM contestés relève des "affaires courantes". Comme un pied de nez aux Etats membres et au Parlement européen qui ont émis de nombreuses interrogations sur ces OGM. Le 31 octobre, c’était aussi le deuxième jour d’un sommet européen crucial qui devait trancher sur des sujets importants : changement climatique, immigration, Traité de Lisbonne. De fait toute l’attention des médias et des dirigeants européens ce jour là était plutôt portée sur le sommet et pas sur la Commission. Laquelle en a profité, presque incognito, pour prendre cette décision majeure et en informer la presse par mail le vendredi soir, aussi discrètement que possible. Enfin, dernier point sur la forme. La Commission a méprisé sans vergogne le rôle du Parlement européen. Tenu de lui demander son avis selon la règle du "droit de regard", la Commission n’a pas trouvé mieux que de saisir le Parlement européen le 31 juillet pour réponse le 24 août. En plein milieu de l’été, alors que l’institution parlementaire élue en juin n’avait pas encore achevé sa constitution. Belle preuve de respect pour les eurodéputés ! Voilà pour la forme mais sur le fond aussi, cette autorisation pose problème.


Risques sanitaires

Ces 3 OGM sont susceptibles de poser un certain nombre de risques sanitaires. Le Mon 89034 qui contient (les scientifiques préfèrent le terme "exprimer") deux protéïnes insecticides, a été soumis au test obligatoire de 90 jours et a provoqué des problèmes rénaux chez deux rats femelles et la mort d’un rat mâle au bout de 14 jours. Les tests n’ont pas été prolongés en dépit de ces résultats. L’autre ogm de Monsanto, le 88017 résiste quant à lui à l’herbicide Roundup et produit lui aussi un insecticide contre les coléoptères. Idem pour le 59122xNK603. Les tests ont été réalisés séparément sur le 59122 et le NK603, pas sur l’alliance des deux, alors même que des effets négatifs ont été constatés sur un sexe. Mais pour la Commission, pas de quoi s’émouvoir et solliciter éventuellement des expertises supplémentaires. Le coup de grâce aurait pu venir des Etats membres car un Conseil des ministres de l’agriculture devait trancher la question fin octobre. Mais ils se sont révélés incapables de trancher, pas de majorité qualifiée ni pour ni contre. Comme souvent d’ailleurs sur les OGM, la question divisant les Etats depuis de nombreuses années.


Procédure ubuesque

En l’occurrence cette incapacité à trancher dans un sens ou un autre a servi la Commission. Les procédures communautaires stipulant qu’en l’absence de décision des Etats, la Commission est compétente pour prendre elle même cette décision dans le sens qu’elle souhaite et au moment où elle le souhaite. Et il faut reconnaitre qu’elle n’a pas tardé. On a connu la Commission plus lente en d’autres circonstances. Car le vote des ministres est intervenu le 20 octobre et dix jours plus tard, José Manuel Barroso a validé la demande d’autorisation. Quelle diligence ! Rappelons que lors de l’irruption de la crise financière à l’automne 2008, l’exécutif européen a laissé passer plusieurs semaines avant de réagir... et pourtant il y avait urgence.
Peut être faudrait-il recommander au président Barroso de créer un poste de Commissaire européen au "principe de précaution"...

Source : Hugues Beaudouin, le blog de Bruxelles - LCI, le 7 novembre 2009