Mise à jour au 20 octobre 2009 : le ministre indien de l’environnement Jairam Ramesh s’oppose à l’avis du GEAC, le comité d’autorisation du génie génétique. Le ministre va remmettre à plus tard l’autorisation à la culture de cette aubergine génétiquement modifiée afin de pouvoir consulter toutes les parties prenantes. Voir en anglais http://www.nature.com/news/2009/091019/full/4611041a.html

Le comité d’autorisation du génie génétique (GEAC), instance régulatrice indienne, a donné son feu vert, mercredi 14 octobre, à la culture d’une aubergine génétiquement modifiée. Si cette autorisation est validée par Jairam Ramesh, le ministre indien de l’environnement, le Brinjal BT (brinjal signifie aubergine en hindi) serait le premier organisme génétiquement modifié (OGM) destiné à l’alimentation cultivé dans le pays.

Le Brinjal BT a été développé par le semencier indien Mahyco en partenariat avec l’américain Monsanto, qui détient 26 % de son capital. Le "légume permet d’augmenter la productivité et les revenus des fermiers" et a subi "vingt-cinq tests supervisés par des agences publiques et indépendantes", a indiqué Mahyco dans un communiqué. Les conclusions des scientifiques sont pourtant loin de faire l’unanimité.

Durée du test trop courte

Après trente mois de bataille juridique, les opposants à la commercialisation du Brinjal BT ont obtenu de la Cour suprême indienne, fin 2008, le droit d’avoir accès aux résultats détaillés des tests, jusque-là restés confidentiels. Et ces derniers semblent troublants. D’après le biochimiste français Gilles-Eric Séralini, président du conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), entre 10 % et 15 % de la composition du lait ont été modifiés chez les vaches au cours des tests, les foies des rats ont diminué et les chèvres ont perdu du poids.

De plus, l’aubergine transgénique développerait une résistance à l’antibiotique kanamycine. Enfin, la durée des essais aurait été trop courte. "Ils n’ont duré que trois mois, alors que cette aubergine va nourrir des gens pendant leur vie entière", déplore Gilles-Eric Séralini. La conclusion de son rapport est formelle : "Tous ces éléments donnent une image très cohérente du Brinjal BT comme potentiellement dangereux pour la consommation humaine."

Le semencier indien avance, pour sa part, que les effets néfastes constatés ne peuvent pas être pris en considération car ils ne sont pas homogènes selon les sexes et ne sont pas proportionnels à la quantité de légumes génétiquement modifiés absorbée par les cobayes.
D’autres aliments génétiquement modifiés comme le riz, la graine de moutarde, la tomate ou la pomme de terre attendent d’être autorisés en Inde.

A défaut de consensus scientifique, l’argument économique pèse de tout son poids dans l’opinion publique indienne. Dans un éditorial intitulé "N’ayez pas peur de l’alimentation génétiquement modifiée", le quotidien Hindustan Times défend les OGM comme la solution "à un ensemble de problèmes agricoles comme la sécheresse, la salinité, les pesticides et le changement climatique".

Alors que la production de céréales a quadruplé en Inde dans les années 1970 et 1980, elle n’a ensuite que très légèrement augmenté. Le secteur agricole, qui ne représente désormais plus que 20 % des richesses produites en Inde, fait vivre les deux tiers de la population. Toutefois, la hausse de la production agricole ne fait pas nécessairement reculer la faim dans le pays.

A l’exception de cette année, où l’Inde a été victime de la sécheresse, le pays est exportateur net agricole, alors que 43,5 % de ses enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition. L’Inde se place au 65e rang des pays les plus touchés par la faim.

Source : Julien Bouissou, Le Monde, le 16 octobre 2009.