Attendue ce 30 juin, la loi sur les OGM n’a pas été votée par le Parlement sur la biovigilance des cultures et l’information du public. Un manquement qui expose la France à une condamnation de Bruxelles dans l’attente d’une loi prévue en 2011.

Saisi en 2007 par le Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Crii-gen), le Conseil d’Etat avait annulé en juillet 2009 deux décrets de mars 2007 qui devaient assurer une transposition complète en France de la directive européenne de 2001 relative à la dissémination volontaire dans l’environnement d’organismes génétiquement modifiés.


Manque d’information du citoyen sur les effets sur la santé

Le Conseil d’Etat avait estimé que les dispositions relatives à l’information et la participation du public dans les procédures d’autorisation de dissémination et de mise sur le marché des OGM ne pouvaient pas être traitées par simple décret mais nécessitaient une loi conformément à la Charte de l’environnement.

Par arrêt, le Conseil d’Etat avait donné jusqu’à ce 30 juin 2010 au gouvernement pour se mettre en règle et faire voter par le Parlement de nouvelles dispositions législatives sur ’’l’information du public, la confidentialité, et la participation’’ visant l’obligation de suivi des cultures OGM a posteriori et d’études d’impacts sanitaires. Celles-ci doivent compléter la loi sur les OGM de 2008. Même si le Ministère du développement durable rappelle que les impacts environnementaux de chaque OGM sont étudiés ’’pas à pas’’ avant toute commercialisation.


Risque d’amende pour la France

Alors que la France a depuis deux ans, suspendu la culture du maïs OGM MON810 de Monsanto, au nom du principe de précaution, aucune loi n’est venue aujourd’hui remplacer ces deux décrets qui ne sont plus valables ! La secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno avait déjà prévenu que ces dispositions ne seront pas adoptées dans la loi Grenelle 2 qui a d’ailleurs été voté définitivement hier par le Parlement… Alors omission du gouvernement ou problème d’agenda parlementaire ?

Il n’empêche que la France se retrouve désormais en infraction vis-à-vis de la directive européenne de 2001. Elle risque d’être de nouveau condamnée par Bruxelles pour manquement à ses engagements européens et de payer une lourde amende… Pour Arnaud Gossement, avocat et responsable du Réseau Environnement & Droit, ’’la France va se trouver dans une situation d’illégalité à deux titres : d’une part, le gouvernement ne respecte pas une décision de justice rendue par une Cour suprême. D’autre part, l’absence de respect de cette décision de justice démontre une violation du droit communautaire qui n’est pas bon d’un point de vue politique alors que la France milite actuellement pour une révision de la procédure d’évaluation’’, a-t-il indiqué à Actu-Environnement.


Vers un droit à l’information environnementale

En août 2009, Chantal Jouanno avait pourtant confirmé la possibilité d’une loi globale sur les modalités d’information du public en matière environnementale (en intégrant les exigences sur la consultation publique en matière de risques industriels) plutôt qu’une loi qui traiterait spécifiquement de la question sur les OGM. Une idée qui est notamment approuvée par les associations environnementales à l’instar de FNE qui ’’souhaite que le droit à l’information soit enfin consacré dans toute son étendue en droit français’’ alors qu’il est actuellement réduit à un droit d’accès à l’information retenu par l’Etat.

Les associations demandent d’aller plus loin en ayant aussi ’’le droit à l’élaboration de l’information, c’est-à-dire à l’expertise, avec la mise en place d’un filtre’’. Cela suppose ’’un renforcement des moyens pour une recherche publique, indépendante des intérêts privés, pluraliste et démocratique’’, a rappelé Arnaud Gossement, ex-porte parole de la FNE, également favorable au texte. Cela implique la conduite de recherches sur les risques sur les OGM. 

Si ’’l’idée est bonne car le droit à l’information environnementale peut encore progresser’’, en proposant de globaliser le problème, ’’le gouvernement s’est néanmoins compliqué la tâche’’. Enclencher un projet de loi sur l’environnement, alors même que l’examen du Grenelle 2 vient de se terminer, est hasardeux. Il y a plusieurs raisons politico-juridiques qui font que le gouvernement ’’n’est pas en mesure aujourd’hui de proposer ce texte’’, a expliqué l’avocat. D’autant que ce projet de loi sur l’information environnementale nécessite ’’de la concertation pour son élaboration’’, a-t-il souligné.

Alors que le texte se fait encore attendre et que le gouvernement ne s’est, pour l’heure, pas prononcé sur les délais impartis…, le dépôt de cette loi ’’tôt ou tard aura lieu. C’est plus un problème de télescopage de calendrier’’, a assuré M. Gossement. En effet, les dispositions législatives visant à intégrer l’information environnementale - y compris celle du public avant toute culture et dissémination des OGM – seraient prévues dans le projet de loi relatif à la gouvernance du Développement durable et la concertation du public, en cours d’élaboration par le député UMP de la Meuse Bertrand Pancher. La proposition de loi traitera aussi de la question de l’expertise en France. Attendu fin 2010 par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, le texte devrait plutôt être adopté d’ici mars-avril 2011, a confirmé hier l’équipe parlementaire de Bertrand Pancher. Mais pour Arnaud Gossement, ’’le risque est d’avoir un projet de loi pour créer une procédure spécifique au principe de précaution’’ qui ’’efface l’engagement d’avoir une loi sur l’information environnementale. Or, on demande une loi sur la prévention générale et l’expertise promise par Chantal Jouanno’’.


Source :
 Rachida Boughriet, Actu-environnement.com, 30 juin 2010