En Inde, le coton génétiquement modifié de Monsanto occupe près de 90% des surfaces réservées à cette récolte.

La flambée des cours et la crainte d’une diminution des stocks remettent à la lumière du jour la plante commercialisée par Monsanto. Innovation ou désastre écologique, le sujet divise.

Les cours du coton sont en ébullition. Alors que les aléas climatiques mettent en péril les stocks, les débats sur les futures récoltes sont lancés. Entre deux discussions, un mot revient sans cesse : Bollgard. Il s’agit du nom complet du coton Bt, ce coton génétiquement modifié, commercialisé par Monsanto depuis 1996. Ce dernier intègre des bactéries produisant des toxines mortelles contre la chenille lépidoptères et le charançon des capsules.

Le Bt élimine spécifiquement ces insectes qui s’attaquent aux capsules des plantes. Il permet ainsi de réduire les pertes sur une plantation. Couplé à une baisse des coûts de production dû à la faible utilisation de pesticide, l’argument a déjà séduit neuf pays : les Etats-Unis, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Mexique, la Colombie, l’Inde, le Brésil et la Chine. La culture du coton Bt représentait ainsi en 2009 près de la moitié des 33 millions d’hectares dédiés à cette culture dans le monde.

Aux Etats-Unis, 88% de la surface cotonnière lui est consacré. La Chine, premier producteur mondial, lui réserve 70% de sa surface cultivée. En Inde, ce coton occupe 90% des surfaces tout comme au Pakistan. En Afrique aussi le « Bt » fait son chemin. Au Burkina Faso, un quart des 115.000 hectares emblavés lui est consacré et le pays entend élargir la production à 475.000 hectares avec un gain attendu de 100 millions de dollars cette année.

Effet pervers

Dans les premières années de son utilisation, le coton Bt a suscité beaucoup d’enthousiasme de la part des observateurs. L’Inra en 2001 évoquait une hausse du rendement pouvant aller jusqu’à 80% pour une baisse de 70% de l’épandage des pesticides. Aux Etats-Unis, une étude du Conseil national du Coton, datant de 2000, fait état d’un avantage économique de 50 dollars par acre pour la culture du coton Bt.

Dix ans plus tard, les publications font preuve de plus de méfiance. « L’efficacité du coton-Bt n’est plus suffisante », note Michel Fok, chercheur au Cirad, dans une étude publiée en juillet dernier. Le Bt a en effet eu l’effet pervers d’ouvrir les champs à de nouvelles générations d’insectes plus résistants. Chenilles, araignées, punaises se multiplient et la sophistication des semences OGM pour faire face à ces menaces fait flamber les prix.

Les graines sont devenues quatre fois plus chères que les semences classiques, à 85 dollars par acre en 2009 contre 20 dollars en 2005. Le marché, inondé par Monsato, n’offre pas beaucoup de choix aux fermiers. « Le Bt est une solution à court terme. Son utilisation se transforme en un cercle vicieux d’endettement pour l’agriculteur », confirme Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM de Greenpeace.

L’enjeu est aussi environnemental. Les produits utilisés pour traiter ces nouvelles menaces sont accusés d’appauvrir les sols. « Le changements n’était pas clairement anticipé mais il intervient aujourd’hui en Chine et aux Etats-Unis à tel point que le besoin de le contrôler chimiquement peut menacer la poursuite de la production », concluaient des chercheurs lors d’une conférence sur les OGM en Australie en 2009.

Nouveaux OGM à l’horizon

En mars dernier, pour la première fois de son histoire, Monsanto reconnaissait un echec face à ces larves. Après avoir proposé aux fermiers d’utiliser Bollguard 2, la firme devrait prochainement commercialiser la troisième génération, Bollguard 3. D’autres sociétés suivent le mouvement à l’image de Bayer avec le coton TwinLink ou encore Syngenta. « Ces nouveaux OGM ne garantissent pas de meilleurs rendements. Ils accélèrent le cercle vicieux. C’est un système qui favorise un modèle d’agriculture intensive subventionnée au lieu d’une agriculture écologique. C’est une situation extrêmement préoccupante », déplore Greenpeace qui préconise de trouver « un équilibre » dans la recherche sur l’amélioration des récoltes.

« Face à l’ensemble de cette situation, la pertinence d’un retour à la culture du coton conventionnel, à un degré non explicité, est mentionnée. Il s’agit déjà d’une réalité : en 2009, il y en aurait eu 400 000 acres (sur une surface totale en coton de 8,9 millions d’acres) et une superficie de 1,5 million d’acres est prédite pour 2010 », conclut pour sa part Michel Fok, du Cirad.

Source : Hayat Gazzane,Le figaro, le 9 septembre 2010