Dans une interview publiée par L’Osservatore Romano le 4 janvier 2011, le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, fait part de ses réserves envers les organismes génétiquement modifiés (OGM). L’Église ferait l’objet de pressions sur le sujet, tant au niveau local, en Afrique, qu’au Vatican.

C’est au fil d’une longue interview aux sujets multiples que le cardinal ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson s’interroge sur le bien-fondé du recours aux OGM pour dynamiser l’agriculture en Afrique.
Il constate que, « surtout en Afrique, certaines multinationales cherchent et obtiennent l’approbation des évêques locaux pour diffuser l’utilisation de ces organismes » et invite à se demander « honnêtement » si les OGM ne seraient pas « plutôt un business pour enrichir certains ».
Et de douter de leur « réelle nécessité », qui semble davantage motivée par « le traditionnel jeu de la dépendance économique à maintenir à tout prix ».

Fausse information sur l’Académie pontificale

En mai 2009, une session sponsorisée par l’Académie pontificale des sciences avait conclu que les OGM n’étaient pas dangereux. Étrangement, c’est un an et demi plus tard que l’information était diffusée dans les médias qui en concluaient :

l’Académie pontificale donne son feu vert aux OGM. Avec la citation suivante : « Il n’y a rien d’intrinsèque dans le recours à l’ingénierie génétique pour l’amélioration des cultures qui rendrait dangereux les plantes elles-mêmes ou les produits qui en sont dérivés ».

Pourtant, trois jours plus tard, le 2 décembre, parun communiqué de presse le Saint-Siège se démarquait de cette déclaration qui ne devait pas « être considérée comme [venant] de l’Académie pontificale des Sciences, parce que l’Académie, qui compte quatre-vingts membres, n’a pas été en tant que telle consultée sur cette déclaration, et une telle consultation n’est pas non plus à son agenda ».

Wikileaks : Le Vatican cible du lobby américain

Toujours en décembre, le site d’information WikiLeaks faisait état de pression et de lobbying des États-Unis auprès du Vatican pour le pousser à se prononcer en faveur des OGM, présentés par l’ambassade américaine près le Saint-Siège comme un « impératif moral », « en insistant sur les bénéfices économiques des OGM pour les fermiers des pays en voie de développement ».

Les deux câbles issus de la diplomatie étasuniennes au Vatican, le premier datant de 2001 et le second de 2009 [1] révèle les intentions américaines : le Vatican doit continuer à être l’objet d’un important lobby afin qu’il parle en faveur des PGM, « en espérant qu’une voix plus forte à Rome encouragera les chefs individuels de l’Eglise, n’importe où, à reconsidérer leur vision critique ». En effet, l’ambassadeur note que plusieurs évêques, aux Philippines ou en Afrique du Sud, sont peu favorables aux PGM. Or, regrette l’ambassadeur, « quand des responsables ecclésiastiques, pour des raisons idéologiques ou par ignorance, parlent contre les OGM, le Vatican n’estime pas – du moins pas encore (sic !) - qu’il est de son devoir de les contredire ». Le câble de 2001 nous apprend en outre que l’ambassade a « sponsorisé deux discussions sur ce thème en impliquant des experts scientifiques attachés au Vatican » afin de « promouvoir une approche plus positive de l’utilisation des OGM dans les pays en développement ».

Source : Sybille Oiron, I.media, le 5 janvier 2011
Inf’OGM, mars 2011