Un nouveau type de maïs génétiquement modifié destiné à la production d’éthanol vient d’être autorisé par le ministère américain de l’Agriculture (USDA).

Ce maïs, appelé Enogen, a été mis au point par le groupe Syngenta et contient un gène microbien produisant une enzyme qui décompose l’amidon de maïs en sucre, première étape vers la production d’éthanol.

Aujourd’hui, la plupart des cultures GM visent à simplifier le travail des agriculteurs (plantes insecticides et/ou résistantes à un herbicide) et n’ont aucun intérêt pour les industriels ou les consommateurs. La nouveauté du maïs Enogen est liée au fait qu’il est conçu exclusivement à des fins industrielles.

Des industriels rejoignent l’opposition au maïs OGM !

Outre les habituels opposant aux OGM, l’association des meuniers d’Amérique du Nord représentant 43 entreprises, dont des géants comme General Mills, ConAgra Mills et ADM Milling, a rejoint le camp des adversaires du maïs de Syngenta. Habituellement réceptive aux biotechnologies, ces industriels voient d’un mauvais œil l’arrivée du maïs Enogen qui rappelle la mésaventure du maïs Starlink (voir ci-dessous).

La décision de l’USDA, annoncée vendredi 11 février, a choqué les professionnels de l’industrie alimentaire, qui redoutent une contamination de leurs stocks de maïs par du maïs Enogen qui altérerait la qualité des céréales rendant la transformation plus compliquée.

L’association a déclaré que la contamination de leurs stocks de maïs pourrait freiner leurs exportations et les obliger à rappeler des produits.

Syngenta se défend

Syngenta affirme de son côté que ce maïs va augmenter la production d’éthanol à partir de maïs en réduisant l’utilisation d’eau, d’énergie et de produits chimiques dans le processus de production.
L’entreprise suisse, fabricant de semences et de pesticides, a déclaré qu’elle
prendrait des mesures visant à éviter que le maïs ne contamine les céréales destinées à l’alimentation humaine.

Syngenta affirme également que le maïs sera cultivé exclusivement dans le voisinage des plantes à éthanol. D’autres mesures seront prises pour limiter la dissémination par la pollinisation croisée et les mélanges dans les silos.

Pourtant les transformateurs d’aliments et les organisations environnementales s’accordent à dire que la contamination est inévitable.

L’affaire du maïs Bt Starlink oubliée par l’USDA ?

« La ressemblance avec le cas du StarLink est étrange », s’étonne Bill Freese du Centre pour la sécurité alimentaire . « Tout comme le StarLink, le maïs biocarburant de Syngenta pose des problèmes d’allergie et ne doit pas servir à la consommation humaine. Il est difficile de croire que l’USDA a oublié le StarLink qui a causé des dommages importants aux agriculteurs et à l’industrie alimentaire américaine. »

En 2000, un maïs GM nommé StarLink était autorisé mais limité à l’alimentation animale et à l’utilisation industrielle en raison de risques d‘allergies pour l’homme. En dépit des mesures prises pour empêcher la contamination du maïs alimentaire par Starlink, des cultures destinées à l’alimentation humaine contaminées par le gène ont été découvertes en 2001.

Des centaines de personnes ont signalé des réactions allergiques qu’elles pensaient liées au StarLink. Les entreprises alimentaires ont finalement dû rappeler plus de 300 produits à base de maïs, le maïs contaminé a été refusé sur les marchés d’exportation, et les agriculteurs ont subi d’importantes pertes économiques. Dix-sept procureurs généraux ont poursuivis le développeur de StarLink, Aventis CropScience, pour tenter de recouvrer une partie des sommes perdues et obtenir des dommages et intérêts.

« L’administration Obama est bien consciente des conséquences économiques que la contamination par le maïs Starlink a eu sur les agriculteurs et l’industrie alimentaire, mais elle est pourtant prête à répéter la même erreur. » a déclaré Andrew Kimbrell, directeur exécutif du Centre pour la sécurité alimentaire.

Eric Hoffman, chargé du dossier des biotechnologies aux Amis de la Terre, a critiqué la décision de l’USDA et l’a qualifiée de « geste irresponsable qui met les intérêts de la biotechnologie et des industries polluantes de maïs éthanol au-dessus de la santé publique et de notre environnement. »

Hoffman poursuit : « Cette nouvelle souche de maïs génétiquement modifié n’est pas destinée à la consommation humaine, mais, comme nous l’avons appris dans le fiasco du maïs StarLink, la contamination est inévitable. La décision de l’USDA menace la sécurité de notre alimentation et la biodiversité de l’agriculture américaine. »

Malgré la hausse des denrées alimentaires mondiale, l’administration Obama persiste à maintenir son agenda sur les biocarburants.

Le Centre pour la sécurité alimentaire juge qu’il est irresponsable de continuer à développer une filière maïs-éthanol aux dépens de la production de maïs alimentaire contribuant ainsi à l’augmentation des prix alimentaires et à l’aggravation de la faim dans le monde.

La Banque mondiale a fait état d’une hausse de 83% du prix des aliments de 2005 à 2008 et estime que 100 millions de personnes supplémentaires ont été poussées dans la pauvreté et la famine à la suite de cette hausse.
Des données de l’USDA montrent qu’en 2007, 23% du maïs produit aux États-Unis ont été convertis en éthanol. Ce taux est passé à plus de 30% en 2008 et les nombreuses constructions de raffineries d’éthanol laisse penser que cette croissance n’est pas prête de s’arrêter.

Le Centre est en train d’examiner tous les documents relatifs à la décision de l’USDA dans l’optique d’une action en justice.

Source : traduction de plusieurs articles tirés du New York Times,Centre for Food SafetyLes Amis de la terre InternationaleGM watch, février 2011