Traduction et adaptation : The farce of GMO industry safety studies, par Claire Robinson, GM Watch 11 July 2014.

Des animaux témoins nourris avec une alimentation contaminée avec des OGM et des résidus de pesticides rendent l’analyse toxicologique d’un colza OGM « non conclusive » d’après le Professeur Séralini et son équipe.

N’y a-t-il pas d’ironie à voir la toxicologie moderne devenir la source d’inspiration de quelques mauvaises farces ? Pourtant, c’est exactement ce qui se passe dans le domaine des tests de toxicité des OGM, où la règle du « deux poids, deux mesures » (« doubles standards ») règne : les études concluant à un risque des OGM sont jugées bien plus sévèrement que celles concluant à la sécurité de ces produits.

Le dernier épisode de cette farce est une étude de toxicologie d’un colza OGM réalisée par l’industrie. Elle visait à contrôler chez le rat les effets d’une alimentation contenant du colza OGM par rapport à des rats nourris sans ce colza OGM. Et c’est là que se joue la farce : si les rats testés ont bien été nourris avec un régime contenant du colza OGM , le groupe témoin a lui aussi été nourri avec des OGM, du maïs précisément, avec la même modification génétique de tolérance au Roundup ! Sans surprise, l’étude n’a trouvé aucune différence entre les deux groupes et en a conclu que le colza OGM était sans danger. Il y aurait de quoi sourire, si malgré sa mauvaise conception apparente, l’étude ne devait pas servir de caution scientifique pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché de ce colza OGM tolérant au Roundup en cours d’évaluation réglementaire.

L’étude (Delaney et al. 2014) a été publiée en avril 2014 dans la revue Food and Chemical Toxicology (FCT) par des chercheurs salariés de l’entreprise DuPont, géant américain de la chimie. Le lecteur attentif se souviendra qu’en novembre 2013, le rédacteur en chef de ce même journal (FCT), A. Wallace Hayes, avait rétracté de force l’étude à long terme d’alimentation des rats réalisée par l’équipe du Pr Gilles-Eric Séralini.

En finir avec le deux poids, deux mesures

Aujourd’hui, l’équipe du Pr Séralini riposte face aux accusations de l’éditeur de FCT en faisant publier dans les colonnes de la revue scientifique une lettre de commentaires critiques sur l’étude de DuPont (Delaney & al, 2014). L’analyse des chercheurs français dénonce comme sans valeur scientifique la sécurité supposée du colza OGM testé tel qu’affirmée par les chercheurs de DuPont.

L’équipe de Séralini a analysé la base du régime alimentaire des rats de laboratoire utilisé dans l’expérience de DuPont, nourriture obtenue auprès de la société Purina.

Ils ont obtenu auprès de Purina la même référence d’alimentation de laboratoire, puis après analyse, ils ont constaté qu’elle était contaminée par 18% de maïs OGM NK603 tolérant au Roundup et 14,9% de maïs OGM Bt MON810. Ils ont également constaté que l’alimentation contenait des résidus de glyphosate, principe dit « actif » du Roundup, et de l’AMPA (le principal métabolite du glyphosate). Ainsi, bien que les rats témoins ne mangeaient pas le colza GM en cours de test, ils mangeaient d’autres OGM avec les mêmes caractéristiques de tolérance au Roundup et contenant des résidus de pesticides.

Pour le Pr Séralini et ses collègues, « la présence incontrôlée des résidus de pesticides et autres OGM rend l’étude non concluante ». Ils ajoutent que « selon les critères de l’éditeur de FCT, l’étude devrait être retirée à son tour ». À l’époque de leur étude, l’équipe du Pr Séralini avait contrôlé les éventuels résidus d’OGM et de pesticides dans l’alimentation utilisée pour leur analyse de toxicité chronique, ils avaient conclu que cela rendait les animaux malades

Si W. Hayes, éditeur en chef de FCT, fondait son verdict contre l’étude Séralini sur le nombre relativement faible de rats utilisés et la souche Sprague-Dawley, supposée sensible aux tumeurs, cela ne l’a pas interpellé outre mesure l’éditeur quand les auteurs de DuPont concluent à la sécurité du colza OGM après une période bien plus courte (3 mois) ne permettant aucune conclusion sur les effets à long terme, mais aussi de moindres mesures des effets sur la santé, et en utilisant un nombre comparable de rats (12 par sexe par groupe) et de la même souche Sprague-Dawley !

Pour conclure avec cette farce, les auteurs déclarent à la fin de leur étude qu’« ils n’ont pas de conflits d’intérêts », et ce, en dépit du fait qu’ils sont employés par l’entreprise qui cherche à tirer profit de l’autorisation de commercialisation de l’OGM en question ! Ultime tarte à la crème : Bryan Delaney, le premier auteur de l’étude DuPont, est également rédacteur en chef à Food and Chemical Toxicology. Là encore, silence sur ce conflit d’intérêt. Si ces manigances ne mettaient pas la santé publique en danger, il y aurait de quoi se rouler par terre face à l’absurdité de cette mauvaise farce…

Référence de la publication en ligne (payant) : Séralini & al,Letter to the Editor regarding “Delaney et al., 2014” : Uncontrolled GMOs and their associated pesticides make the conclusions unreliable, Food and Chemical Toxicology, 2 juillet 2014 (DOI : 10.1016/j.fct.2014.07.003)

Source :CRIIGEN, le 17 juillet 2014