A l’Assemblée, plusieurs élus ont repris à leur compte certaines « propositions » des fabricants de semences. Mais sans l’avouer.

Jamais les lobbies n’ont fait autant parler d’eux que dans le récent débat sur les OGM. Si bien que députés et sénateurs Verts réclament une commission d’enquête qui a toutes les chances d’être fauchée sur pied. Pourtant les témoins de la « dissémination » des groupes de pression au Parlement ne manque pas.

« J’ai rarement vu un lobby, celui des anti-OGM, agir avec autant d’intensité » a tonné Bernard Accoyer (NLDR Combat Monsanto : Lauréat du Monsanto d’Or de Greenpeace), qui s’y connaît en matière de contre-feu. Le président UMP de l’Assemblée visait tout particulièrement José Bové, présent dans les tribunes du public lors de la discussion du projet de loi. Assidu aux séances, l’écolo moustachu, s’est amusé à commenter les échanges, au mépris des règles de silence imposées aux spectateurs. Aucun représentant de Greenpeace (NLDR Combat Monsanto : Arnaud Apoteker, responsable OGM de Greenpeace était bien présent lors des débats) ou de France Nature Environnement n’était présent au Palais Bourbon, mais ces deux organisations, ont elles, aussi volé au secours de Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, en difficulté devant le groupe UMP.

Quoique plus discret, les lobbies pro-OGM n’ont pas été en reste. N’est ce pas un sénateur de droite, Jean-François Legrand, qui, le 1er avril, accusait certains de ses amis d’être à la solde de Monsanto ? Ses collègues députés eurent beau crier à l’outrage, les semenciers ont bien tenté de peser sur les débats. La preuve, quinze jours avant l’ouverture de la discussion à l’Assemblée, ils ont adressé un courrier argumenté à quelques députés dument choisis en fonction de leur « compréhension du sujet », selon l’expression de Gérard Faure (directeur d’OLEOSEM), l’un des signataires. Le Canard s’est procuré un exemplaire de cette lettre pleine de bons conseils.

Elle est datée du 14 Mars 2008 et signée, entre autres, par le président du Groupement interprofessionnel de semences et des plants, par le directeur de l’Association de l’industrie des semences de plantes oléagineuses et par le vice-président de la Chambre syndicale des entreprises françaises de semences de maїs. En clair, tous les syndicats de défense des intérêts des semenciers en France, parmi lesquels Monsanto et Limagrain.

« Les sénateurs ont adopté en première lecture un projet de loi équilibrée, offrant un cadre clair à la culture des OGM en France. » Ainsi débute leur lettre. Hasard, l’expression « projet de loi équilibrée » est justement celle que reprennent les députés UMP Christian Jacob, Bernard Debré (NLDR : aussi lauréat du Monsanto d’or) et Marc Laffineur, le 26 mars, lors de l’examen du texte en commission…Mais les semenciers ont beau être satisfaits du vote sénatorial, ils n’en suggèrent pas moins quelques petites améliorations du texte de loi aux élus du Palais Bourbon.

 

Gare aux faucheurs

 

Premier point « essentiel » à leur yeux, « protéger les avancées introduite sur le fonctionnement d’un Haut Conseil sur les OGM, notamment la séparation claire des avis [du] comité scientifiques et les recommandations d’ordre général de la société civile ». Pour que le Haut Conseil des OGM ne soit pas noyauté par les « anti », son président, expliquent-ils, doit être « nommé parmi les membres du comité scientifique, en fonction de ses compétences ». Bien dit, et le rapporteur UMP du projet, Antoine Herth, déposera en commission, le 26 mars, un amendement prévoyant que « le président du Haut Conseil [soit] choisi en fonction de ses compétences scientifiques »…

Autre exigence « essentielle » des semenciers, modifier l’article 5 du projet de loi, qui instaure, pour l’agriculteur OGM, une « responsabilité économique de plein droit » en cas de dissémination. Une disposition « très discriminante et extrêmement sévère », jugent les signataires. Ils souhaitent, en conséquence, que soient insérées dans « la loi des causes d’exonération de l’agriculteur ». Christian Jacob est d’accord, et il exauce leur souhait. Cet ancien président du Centre des jeunes agriculteurs dépose aussitôt un amendement qui reprend exactement ces termes.

Il défend ensuite un sous-amendement à l’article 6 du projet de loi, supprimant « l’obligation faite à l’exploitant d’informer, préalablement aux semis, les exploitants des parcelles entourant les cultures d’OGM ». Hasard, une fois encore, c’est une revendication des semenciers. Lesquels estiment que cet article 6 « fait peser un grave risque sur l’ordre public et ne respecte pas la libre entreprise des agriculteurs en raison de la pression morale exercée » par les anti-OGM. 

Claude Gatignol, député UMP de la Manche, en rajoute une couche et reprend presque mot pour mot, une partie de la lettre du 14 mars. Pour le recensement des surfaces de cultures OGM, il lui parait, dit-il, « plus judicieux de fournir une information au niveau du département ». Encore dans le mille : les semenciers préconisaient, eux, de « rendre public à l’échelle du département » ! Gatignol ajoute : « L’information de chaque exploitant risque d’accroître les risques d’actions malveillantes contre les cultures OGM en plein champ. » Curieux, les semenciers avaient eu la même idée : « La publication du registre parcellaire des cultures OGM met en danger la sécurité des agriculteurs, de leurs proches et de leurs biens ». Voila qui frise le plagiat.

Bref, les arguments des semenciers n’ont pas manqué d’enrichir le débat parlementaire…Cela n’a pas été sans risque, parfois, pour la majorité. Leur lobby n’est pas pour rien dans la bataille d’Hernani suscitée par l’amendement du député PC Chassaigne, qui voulait protéger les filières AOC des OGM. A l’origine de la colère du groupe UMP contre l’impertinente secrétaire d’Etat à l’Ecologie qui ne s’était pas opposée à l’amendement félon, comment ne pas voir le « principe » du « libre choix des agriculteurs français » défendu dans la lettre des semenciers du 14 mars !

Comme quoi, un semencier peut planter…un gouvernement. Mais de là à conclure que les élus UMP sont sous influence, il y a un pas qui, en l’espèce (sans OGM), mérite d’être franchi.

Source : Un article de Jean Michel Thénard, le Canard enchaîné du 23 avril 2008.

Pour connaitre le vote de votre député sur le texte de loi relatif aux OGM, consultez la page de l’Assemblée Nationale Ici.

Pour consulter le projet de loi sur les OGM, cliquez ici.

NLDR Combat Monsanto : Une demande d’autorisation a été faite pour publier cet article, mais nous n’avons malheureusement pas reçu de réponse de la rédaction du Canard. Nous publions cependant cet article dans le but de l’intérêt général, le délais volontaire depuis la publication est un gage de ne pas porter préjudice aux ventes du journal.