Combat Monsanto relayait récemment plusieurs cas d’intervention directe de l’administration américaine, via ses ambassades, pour imposer les OGM en Europe (pression à Bruxelles) ainsi qu’en Afrique (affaire du Vatican ), et défendre directement les intérêts de Monsanto, leader américain sur ce marché.

Il n’est donc guère surprenant d’apprendre que les diplomates US aient joué un rôle d’influence majeure sur la gestion de la politique agricole et OGM en Argentine, depuis toujours tête de pont des biotechnologies dans le cône Sud-américain.

Le 10 mars 2011, le quotidien argentin Pagina 12 publiait dans ses colonnes des câbles américains de juillet 2009, diffusés sur wikileaks, démontrant que l’ambassade américaine a pris des positions fortes en faveur de la multinationale Monsanto en Argentine, pour la défendre au cœur d’une controverse scientifique et sanitaire autour du pesticide Roundup.
Le 13 avril 2009, le Pr. Andres Carrasco [1] , de l’Université Conicet-UBA (Faculté de Médecine), publie une étude sur les effets du glyphosate (agent actif du Roundup) sur la formation d’embryons de poulet. Les travaux du scientifique révèle que « des concentrations infimes de glyphosate, bien inférieures à celles utilisées en agriculture, produisent des effets négatifs sur la morphologie de l’embryon », c’est à dire des malformations.

Ces données scientifiques nouvelles n’ont pas manqué d’entrainer une campagne de discrédit médiatique, politique et scientifique contre Andres Carrasco, la persécution des lanceurs d’alertes faisant partie de la stratégie d’intimidation telle qu’ont pu la subir d’autres scientifiques travaillant sur les OGM ou les pesticides. Deux ans plus tard, le public apprend, par le biais de Wikileaks, que l’administration de Washington a joué un rôle important dans ce travail de sape de la réputation du Pr Carrasco. Efforts d’autant plus acharnés que Carrasco est un « chercheur prestigieux » de la « très respectée Université de Buenos Aires » selon l’ambassade américaine.

Le câble de l’ambassade divulgué dévoile que des diplomates américains ont fourni au Service National de Santé et qualité Agroalimentaire (Senasa) des études favorables au glyphosate, agent actif du Roundup. Dans ce câble, le diplomate alerte Washington : « le glyphosate est l’ingrédient actif du populaire pesticide Roundup. Monsanto détient 40% du marché du glyphosate en Argentine, sa position [de leadership] la rend plus vulnérable aux attaques et potentiellement la victime la plus importante [en cas de retrait] ». Mais le diplomate rassure sa hiérarchie : « en réponse à la controverse, le ministre de l’agriculture argentin, à travers la Senasa, a réuni les informations pour appuyer sa précédente décision d’autorisation du glyphosate sur le territoire. La section Agriculture de l’ambassade a fourni à la Senasa des études sur le glyphosate, utilisées à grande échelle aux États-Unis ainsi que dans le programme d’éradication de la Coca en Colombie ».

 

Bâillonner la controverse scientifique

 

Toujours selon les informations dévoilées par Wikileaks « la faille » dans les travaux du Pr Carrasco résiderait dans le fait que son étude n’ait pas été publiée dans une revue scientifique, donc soumise au jugement de ses pairs sur le bien-fondé des travaux. Argument aujourd’hui caduque car l’analyse du Pr. Carrasco a été publiée en août 2010 dans la très sérieuse revue Chemical Research in Toxicology [2] et n’a reçu à ce jour aucune contestation scientifique.
Fumigation en Argentine

Selon le quotidien Pagina12, le lobbying américain pour défendre Monsanto s’est intensifié après la décision, le 15 janvier 2009, de la Présidente Cristina Fernandez de Kirchner d’ordonner au Ministère de la Santé d’initier une enquête officielle sur les effets nocifs des pesticides. L’étude, qui est toujours en cours, pourrait servir de base pour limiter, voir interdire l’utilisation du glyphosate, s’il est démontré que la molécule affecte effectivement la santé.

Finalement, ces câbles ne font aucunement référence aux études critiques menées sur la toxicité du glyphosate par l’Université de Caen [3] mais aussi par le Centre National de recherche scientifique de Roscoff (en France), l’université de Pittsburg (États-Unis), l’Université National de Rosario et de l’université Nationale du littoral (en Argentine). Le câble ne dit rien non plus sur les différentes études des autorités sanitaires argentines alertant sur les haut taux de cancer et de malformations dans les zones de culture d’OGM et de fumigations [4] .

Combat Monsanto le 15 mars 2011

Source : Santiago O’Donell, pagina 12, le jeudi 11 mars 2011
Cable E.O. 12958 : N/A





[1Chef du laboratoire d’embryologie moléculaire de l’Université de Buenos Aires et chercheur principal de la Conicet, organisme publique de recherche scientifique en Argentine.

[4En juin 2010, une étude officielle de la commission d’enquête des polluants de l’eau du Chaco a apporté, pour la première fois au niveau national, des statistiques sanitaires des zones avec une intense utilisation de produits agrochimiques. La conclusion des données étaient sans appel : les cas de cancer d’enfants ont triplé et les malformations congénitales ont augmenté de 400%. Cela s’est passé en seulement 10 ans et les cas de cancer étaient concentrés sur la localité de La Leonesa, épicentre des plaintes pour utilisation d’herbicides et pesticides