Le 25 Mars 2008

Le développement des brevets a conduit diverses associations à dénoncer les risques de "biopiratage" des ressources génétiques des pays du Sud. En effet la biodiversité est nettement plus grande dans ces derniers.

A partir de plantes médicinales traditionnelles des pharmacopées locales, des firmes extraient des principes actifs intéressants qu’elles protègent par brevet, puis commercialisent sous forme de médicaments. De même des plantes locales intéressantes comme le quinoa ont été transformées génétiquement aux usa avec protection par brevet. Cela peut priver de débouchés les agriculteurs andins qui en produisaient pour l’exportation vers l’Amérique du Nord. Diverses ONG (organisations non gouvernementales) dénoncent par ailleurs le fait que rien ou quasiment rien ne revienne aux pays du Sud qui ont découvert les intérêts de la plante (évitant aux firmes pharmaceutiques ou agrochimiques des screenings coûteux de milliers de molécules) et qui l’ont, dans le cas des plantes cultivées, améliorée génétiquement avec des méthodes traditionnelles durant des millénaires. Certes l’article 19 de la Convention de Rio sur la Diversité biologique de 1992 stipule qu’une rémunération est due aux pays en développement (PVD) pour leur matériel génétique, mais son acceptation et son application effectives rencontrent des obstacles.

Les recherches en matière de biotechnologies et de génie génétique sont effectuées principalement par de grandes firmes privées qui visent les marchés solvables. Ainsi les essais aux champs de plantes transgéniques sur la période 1986-1995 ont été réalisés pour 92% d’entre eux dans les pays développés et pour 8% seulement dans les PVD (notamment en Argentine et Chine). La part des essais effectués en Afrique n’était que de 0,7%, et en Asie en développement (Chine inclue) de 1,7 % pour la même période. Certes des travaux sur les biotechnologies et le génie génétique sont aussi menés dans les Centres internationaux de recherche agronomique, par des organismes de recherche de certains pays du Sud, et enfin par ceux des pays développés axés vers la coopération comme en France l’ORSTOM ou le CIRAD ; par ailleurs diverses initiatives visent à développer des recherches tournées vers les besoins des PVD. Mais les ressources financières affectées seront-elles suffisantes face aux besoins ? Les recherches en matière de génie génétique sont à l’heure actuelle tournées pour une large part vers les marchés des pays riches. Compte tenu des potentialités prêtées au génie génétique, l’un des risques majeurs serait alors qu’il ne soit pas suffisamment orienté vers la demande de ceux qui en auraient le plus besoin, mais qu’au contraire il contribue à accentuer le fossé entre pays développés et certains pays du Sud ayant plus difficilement les moyens de le mettre en ¦uvre pour améliorer leur propre production.

D’autant plus qu’avec les OGM les pays du Nord pourraient produire diverses substances qu’actuellement ils extraient de produits achetés dans les PVD. Ainsi la production de divers types d’acides gras dans du colza transgénique pourrait presque anéantir les exportations d’huile de palme ou de coprah de certains pays. La production par génie génétique de thaumatine (un édulcorant intense actuellement extrait d’une plante tropicale) ou d’arômes de vanille naturelle risque de ruiner leur cueillette ou leur culture dans certains pays du Sud. L’impact des biotechnologies dépend en ce domaine de divers facteurs, en particulier des possibilités de diversification de la production dans les pays du Sud et de leur situation : sont-ils importateurs ou exportateurs nets de produits agricoles ? Leur potentiel technologique est-il bas ou élevé ? Pourront-ils exporter d’autres types de produits ?

Le génie génétique est par ailleurs une technologie sophistiquée que certains pays du Sud qui manquent d’infrastructures de R&D. pourraient avoir du mal à développer, ou alors qui risque d’absorber une part écrasante des ressources, en laissant peu de disponibles pour d’autres activités. Aussi peut-on s’interroger sur ce que sera l’apport effectif du génie génétique pour améliorer la production agricole dans les pays où une part de la population souffre de malnutrition, alors que, pourtant, l’un des arguments les plus fréquemment avancés pour légitimer le génie génétique est sa nécessité pour nourrir l’humanité au 21ème siècle. Certes on peut envisager une division internationale du travail accrue et un fort développement des échanges : les pays du Nord produiraient massivement des denrées agricoles pour leur consommation intérieure et l’exportation ; les pays du Sud ayant peu de terres arables mais beaucoup de main d’oeuvre se spécialiseraient dans les produits manufacturés pour eux-mêmes et pour les vendre aux autres pays. Mais ce scénario d’internationalisation quasi totale de la production et des échanges pourrait se heurter à diverses difficultés (chômage, etc.).

Article extrait du Dossier "agriculture et OGM " sur le site internet de l’INRA.
Un article de Sylvie Bonny
Unité d’Économie et Sociologie Rurales
INRA Grignon-Massy-Paris-Versailles