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Le coton transgénique Bt a été introduit dans l’Etat du Maharasthra en 2005 sous le nom de coton Bollgard, il est censé protéger contre les attaques du « ver américain de la capsule », un insecte ravageur de coton mais il est aussi capable de résister au pulvérisation de l’herbicide Roundup de Monsanto. Ce coton Bt est commercialisé par Monsanto et son partenaire commercial Mahyco.

La première année, 55 000 paysans, soit 2 % des producteurs de coton indiens, acceptent de se lancer dans l’aventure transgénique. Alors que l’endettement des paysans est la principale cause de suicide dans cette tranche de la population rurale, Monsanto a axé sa campagne publicitaire indienne sur la qualité « miraculeuse » de ses semences qui permettent de réduire drastiquement les coûts de production liés à l’usage massif de pesticides et donc de sortir de la spirale de l’endettement. Dans un premier temps, ce fut en effet le cas et les paysans limitèrent les épandages de pesticides. Cependant la récolte de coton Bollgard ne fut pas à la hauteur des promesses de la publicité, comme le rapportent les paysans interrogés par The Washington Post, au terme de leur première récolte OGM : « J’ai été moins bien payé pour mon coton Bt, parce que les acheteurs ont dit que la longueur de sa fibre était trop courte, rapporte ainsi l’un d’entre eux. Les rendements n’ont pas augmenté, et comme le prix de la semence est si élevé, je me demande si cela valait la peine. » [1]

En effet, les graines de coton Bt sont plus chères car le brevetage des semences étant (pour l’heure) interdit en Inde, la firme de Saint-Louis ne peut pas faire appliquer le même système de « droit de propriété intellectuelle » qu’en Amérique du Nord, à savoir exiger que les paysans rachètent tous les ans leurs semences sous peine de poursuite. Pour compenser ses « pertes », Monsanto a donc décidé de se rabattre sur le prix des semences, en le quadruplant : alors qu’un paquet de 450 grammes coûte 450 roupies (7,50 euros) pour les semences conventionnelles, son prix s’élève à 1 850 roupies (30 euros) pour les OGM. 

Au delà de ce surcoût à l’achat, l’avantage économique des OGM s’écroule aux vues d’une étude comparative réalisée en 2002 par la Coalition pour la défense de la biodiversité de l’Andhra Pradesh, regroupant plus de 150 ONG indiennes. Cette étude démontre l’absence d’avantage comparatif des cultures OGM de Coton Bt en Inde, ainsi « Les coûts de production du coton Bt ont été en moyenne plus élevés de 1 092 roupies (18,25 Euros) par acre que pour le coton non Bt, parce que la réduction de pesticides a été très limitée, écrivent les deux agronomes. De plus, la baisse de rendement a été significative (35 %) pour le coton Bt, ce qui a entraîné une perte nette de 1 295 roupies (22 Euros) en comparaison avec le coton non transgénique, lequel a enregistré un profit net de 5 368 roupies (90 Euros). 78 % des agriculteurs qui avaient cultivé du coton Bt ont déclaré qu’ils ne recommenceraient pas l’année suivante. » [2]

En outre, pour ajouter au désenchantement, de nouvelles maladies et parasites, comme le thrips du cotonnier et les mouches blanches, sont venus attaquer les cultures transgéniques, entraînant une chute des rendements et de la taille de la fibre du coton Bt ce qui fait chuter le prix de 20%. Une nouvelle maladie appelée la « rhizoctonia » a commencé à se développer particulièrement dans les champs de coton Bt. Un agronome commente : « Personnellement, je pense qu’il y a une mauvaise interaction entre la plante réceptrice et le gène qui y a été introduit. Cela a provoqué une faiblesse dans la plante, qui ne résiste plus à la rhizoctonia. D’une manière générale, ajoute Kiran Sakkhari, le coton Bt ne résiste pas à des situations de stress comme la sécheresse ou, au contraire, de fortes précipitations. » [3]

Une seconde étude, des mêmes agronomes indiens, a été réalisée concernant la saison 2005-2006. Si lors de la saison 2002-2003, c’est-à-dire l’année qui a suivi l’introduction des semences Bt, la consommation d’insecticides était inférieure pour le coton transgénique que pour le coton conventionnel, trois ans plus tard la « belle promesse » est définitivement enterrée : les dépenses en pesticides ont été, en moyenne, de 1 311 roupies (22 euros) par acre pour les producteurs de coton conventionnel et de 1 351 roupies pour les adeptes du coton OGM. « Ce résultat ne nous a pas surpris et ne peut qu’empirer, explique le docteur Abdul Qayum, car n’importe quel agronome ou entomologiste sérieux sait très bien que les insectes développent des résistances aux produits chimiques censés les combattre. Le fait que les plantes Bt produisent en permanence la toxine insecticide constitue une bombe à retardement dont on paiera un jour la facture, qui risque d’être très élevée, tant d’un point de vue économique qu’environnemental. » [4] En effet, le phénomène de résistance est bien connu des experts des OGM et constitue un tabou pour ses promoteurs. La résistance remet en cause l’argument de moindre usage de produit chimique et entraîne à l’inverse un usage de produits phytosanitaires toujours plus fortement concentrés pour venir à bout des parasites, ce qui au final permet à Monsanto d’engranger de beaux bénéfices sur ses ventes de Roundup et autres produits chimiques, le marché historique de la firme.

Nous voyons donc que les cultures OGM ne sont pas du tout adaptées à un modèle d’agriculture familiale et traditionnelle, et que leur introduction forcée entraîne des conséquences socio-économiques dramatiques dépassant le cadre du monde agricole.





[1Cité par The Washington Post, 4 mai 2003.

[2Abdul QAYUM et Kiran SAKKHARI, « Did Bt Cotton Save Farmers in Warangal ? A season long impact study of Bt Cotton — Kharif 2002 in Warangal District of Andhra Pradesh », AP Coalition in Defence of Diversity and Deccan Development Society, Hederabad, juin 2003,

[3Le Monde Selon Monsanto, MM Robin, Co-editions La Decouverte/Arte Ed. 2008, p355

[4Le Monde Selon Monsanto, MM Robin, Co-editions La Decouverte/Arte Ed. 2008, p356